Question :
Ma femme doit accoucher dans peu de temps. Si cela tombe un Chabat, à partir de quand peut-on enfreindre les interdits de Chabat ?
Réponse :
C’est une question un peu complexe. Nous allons essayer de donner une réponse claire et détaillée, reproduite à partir d’un des derniers ouvrages du Rav Cohen Arazi.
Le moment à partir duquel il faut commencer à agir en profanant Chabbat, c’est-à-dire à partir duquel on considère que la femme est en situation de danger, est variable, selon les décisionnaires, qui en ont fixé plusieurs indices :
À la maison :
– En cas de difficulté de déplacement sans l’aide d’une autre personne. Choul’han Aroukh (chap. 330 § 3).
– Lorsque des contractions régulières se produisent toutes les quinze à vingt minutes, a fortiori plus fréquemment, en particulier si la femme enceinte n’est pas encore dans le neuvième mois, ce qui justifiera de se rendre à l’hôpital pour tenter d’arrêter s’il y a lieu ces contractions prématurées.
C’est dans ce sens qu’a tranché le Torat Hayoledet (chap. 3 § 1).
– En cas de rupture spontanée de la poche des eaux (« perte des eaux »). Rav Chlomo Zalman Oyerbakh (Nichmat Avraham tome 1 page 351) pense que bien que ce ne soit pas vraiment certain qu’il s’agît du le début de l’accouchement, on doit se rendre à l’hôpital sans délai, y compris en voiture. Torat Hayolédet (chap. 3) au nom des médecins, CCK (chap. 40 § 8).
– En cas d’hémorragie externe. CA (chap. 330 § 3). ou de présence de sang mêlé au liquide émis lors de la « perte des eaux » . Hout Chani (chap. 91 § 3).
– Durant toute la grossesse, une perte de sang importante nécessitera de se rendre le plus rapidement possible à l’hôpital, en ambulance. Ce ne sera pas le cas s’il ne s’agit que d’un écoulement de petites gouttes de sang.
– La sensation d’une forte pression vers le bas comme si l’enfant poussait. La femme devra alors s’allonger une dizaine de minutes, jusqu’à ce que cette sensation disparaisse. Mais si elle persiste au-delà de dix minutes, cela pourrait être le signe d’un début d’accouchement en dépit de l’absence apparente de contractions, et imposer un départ immédiat à l’hôpital.
– Si les mouvements de l’enfant ne sont pas ressentis par la femme, à qui il est alors recommandé de manger quelque chose de sucré tel que du chocolat (y compris si Chabbat coïncide avec Yom Kippour). Après vingt minutes, elle s’allongera sur le côté gauche et concentrera son attention sur les mouvements de l’enfant. Sans résultat elle refera l’opération, remuera aussi son ventre. Toujours sans résultat au bout de deux heures, il lui faudra se rendre à l’hôpital (Torat Hayoledet)
– En cas de fièvre importante à l’approche de la date prévue de l’accouchement. (Il pourrait s’agir d’une infection – septicémie – de l’utérus.)
– D’une façon générale, tout malaise ou sentiment de malaise (évanouissement, vertiges) justifie de se rendre sans tarder à l’hôpital.
– La recommandation d’un médecin ou d’une sage-femme suggérant ou ordonnant un départ immédiat pour l’hôpital devra être suivie sans hésitation.
Il faut alors organiser le déplacement à l’hôpital, par les moyens appropriés compte tenu de Chabbat, de sorte à être sur place au début de l’accouchement proprement dit.
À l’hôpital :
Le moment où les actes transgressifs peuvent commencer à être effectués est le début de l’accouchement, lorsque la femme est allongée sur le lit de travail, CA (chap. 330 § 3). bien qu’il soit fréquent qu’elle y soit installée bien avant. Les indices de Pikoua’h Nefech retenus pour justifier de quitter le domicile (« perte des eaux », hémorragie mêlée ou pas aux « eaux ») constituent a fortiori un indice d’accouchement prochain lorsqu’ils se produisent à l’hôpital. Certains estiment que dans ce cas, c’est le commencement de contractions fortes et régulières qui décidera de l’entrée dans le cadre du Pikoua’h Néfech justifiant les transgressions halakhiques à venir. La sensation d’une forte pression vers le bas peut également indiquer une disposition de l’enfant à sortir , ou une imminence de l’accouchement.
Dès lors que la femme est prise en main par le personnel hospitalier, le mari-accompagnateur, qui lui n’est pas en situation de Pikoua’h Néfech, doit alors se résoudre à passer Chabbat dans l’enceinte de l’hôpital faute de pouvoir rentrer chez lui sans enfreindre un ou plusieurs interdits. Les transgressions minimales liées à d’éventuels besoins d’apaisement de sa femme, en dépit de sa prise en charge médicale, resteront, elles, attachées au statut de Pikoua’h Néfech et constitueront pour lui un devoir.