Question :
Peut-on retirer le Chabat un aliment se trouvant dans une marmite posée sur la plaque chauffante de Chabat ?
Le Choul’han Aroukh au chapitre 318 (article 18) écrit que si un met ou une marmite ont été retiré du feu et son encore brulants, il est interdit d’y extraire un morceau s’il n’est pas cuit à point. Car se serait « remuer » et donc cuire. Le Rama ajoute qu’il faut a priori éviter ce geste pour toute marmite.
Le ‘Hazon Ich, quant à lui, rapporte une opinion du Rachba qui autorise à retirer un aliment à l’aide d’une cuillère. Parallèlement, le ‘Hazon Ich recommande en revanche de ne pas mélanger avec la cuillère lorsque la marmite est sur le feu. Car, selon le Rambam, on enfreindrait un interdit de la Torah selon l’explication du Kolbo. Mais comme le geste de retirer (sans remuer) est apparemment un interdit uniquement d’ordre rabbinique (y compris selon le Rambam) on pourra se reposer sur les opinions qui permettent de retirer. Certes le Michna Broura se montre strict (comme, vraisemblablement, le Choul’han Aroukh Harav), mais en cas de nécessité, c’est-à-dire lorsqu’en retirant la marmite du feu on ne pourra plus la reposer (parce que le feu n’est pas couvert, ou que les braises n’ont pas été mises de côté, comme il le faut pour pouvoir laisser une marmite sur le feu et la reposer, sous certaines conditions), on pourra se montrer plus indulgent que le Michna Broura, conclut le ‘Hazon Ich.
Il est intéressant, comme nous allons le voir, que Rabbi Yossef ‘Hayim de Bagdad, qui a écrit son ouvrage bien avant celui du ‘Hazon Ich et ne pouvait donc pas le consulter, a écrit quasiment la même chose que le ‘Hazon Ich et que celui-ci non plus n’avait pas lu l’ouvrage Rav Péalim.
Notre maitre le Rav Mordekhay Eliahou rapporte dans l’ouvrage Kol Eliahou (chapitre 20 question 9) une question posée au Ben Ich ‘Hay. A savoir, peut on retirer une nourriture pour les pauvres, avec une louche insérée dans une marmite sans que l’on fasse bouger la marmite du feu, pour que les pauvres n’aient pas à attendre ?
Le Ben Ich ‘Hay répond que la chose est permise, du moment que le contenu de la marmite est cuit à point, Mévouchal Kol Tsorko. Certes, d’ordinaire le Ben Ich ‘Hay préconise de ne pas le faire à cause du risque de Méguiss, c’est-à-dire qu’en remuant le contenu de la marmite posée sur le feu on en viendrait à cuire, y compris si la nourriture est déjà cuite. Mais dans le contexte précis qui lui a été soumis, il autorise car il s’agit d’une Mitsva, cette nourriture devant nourrir des gens pauvres.
De là le Rav Mordekhay Eliahou en déduit que si une personne prie le Chabat matin tôt, au Nets Ha’hama, et que ses enfants prient à une heure plus tardive, et que cette personne, de retour à la maison, souhaite manger avant que ses enfants n’arrivent, pourra retirer de la nourriture de la marmite et reposer le couvercle. Car on peut considérer son désir de manger en l’honneur de Chabat parce qu’il s’est levé tôt, comme une Mitsva.
Il en est de même si c’est le contraire, à savoir que les enfants désirent manger avant que leur père rentre. A la condition, bien sûr, que la nourriture soit bien cuite. Car, rappelons-le, certains pensent qu’introduire une cuillère et la retirer de la marmite (pour se servir à manger, par exemple, ou pour gouter le plat) est considéré comme Méguiss, remuer, action interdite le Chabat lorsque la nourriture n’est pas complètement cuite, car elle provoque une accélération de la cuisson.
Cette réponse de Rav Yossef ‘Hayim de Bagdad se trouve dans son ouvrage Rav Péalim tome 3 O.H chap. 44. Citation : « et même si le plat est cuit à point, on ne permettra que dans le cas que soulève la question posée, où le plat est destiné à un pauvre et qu’il s’agit d’une grande Mitsva. »
On pourra s’étonner que le Rav Mordekhay Eliahou ait mis sur le même plan la grande Mitsva que décrit le Rav Péalim, à savoir celle de nourrir un pauvre, avec celle du père de famille qui souhaite manger plus tôt que sa famille. En quoi ce souhait du père de famille constitue t il une Mitsva ? en réalité, il semble que le Rav Eliahou ait compris que ce qu’il faut éviter a priori est de se servir de la marmite pour un simple supplément de confort, une sorte de « caprice ». Celui, par exemple, de vouloir manger le plat alors qu’il est encore brulant, ou quelque chose se semblable. Mais vouloir manger lorsqu’on a faim le Chabat, alors qu’il est difficile d’attendre que tout le monde se mette à table, n’est pas vraiment considéré comme un luxe.
On consultera aussi le Kaf Ha’hayim chapitre 318, article 175. Ou encore le ‘Hazon Ich chapitre 37 article 15, et puis l’ouvrage du Rav Mordekhay Eliahou Maamar Mordekhay tome 4 chapitre 77. Autre citation du Rav Péalim : « mais sache qu’il n’est permis de retirer l’aliment cuit de la marmite à l’aide d’une cuillère, lorsque la marmite est sur le feu, uniquement si l’on est certain que cet aliment est bien cuit. En revanche s’il a un doute sur la cuisson totale de l’aliment, il est interdit de le retirer de la marmite, même si celle-ci a été retirée du feu. » |
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