Question :
Lorsque j’ai des invités le soir de Chabat, et qu’ils sont démunis, doit-je m’empresser de faire le Kidouch, comme on me l’a dit ?
Les lignes suivantes sont inspirées d’un cours du Rav Mordekhay Bounim Zilberberg. Mais ne reflètent pas forcément son avis sur la question car il n’est qu’inspiré en partie.
Dans le livre Dvar Havraham (tome 2 chap. 2) il est rapporté au nom du célèbre ‘Hafets Hayim que celui qui invite un pauvre à sa table le vendredi soir doit s’empresser de passer à table car la Guémara dans Roch Hachana (6a) que le don de Tsédaka doit être réalisé immédiatement après la promesse, pour ne pas enfreindre un interdit. Cela, contrairement aux sacrifices, qui, eux, doivent être apportés avant que ne s’achèvent les 3 fêtes de pèlerinages.
C’est étrange car le Michna Broura (donc le ‘Hafets Hayim lui-même) écrit au début du chapitre 271 que celui qui rentre de la synagogue le vendredi soir et n’a pas spécialement faim, peut retarder le repas jusqu’à ce que tombe la nuit. A moins qu’il y ait des gens qui dépendent de lui comme des serviteurs, de la famille ou un pauvre qui doit s’associer à son repas. Et ne pourra donc pas accomplir la Mitsva de la meilleure manière (la nuit) aux dépends des autres. Il ressort des termes employés par le Michna Broura que l’impératif de passer à table rapidement est davantage de l’ordre de la prise en considération des besoins de ceux dont il a la responsabilité que d’un interdit formel de payer ses dettes.
De plus, on pourrait argumenter que retarder le repas du pauvre n’est pas un manquement à son devoir d’honorer une dette, dans la mesure où le pauvre sait qu’il va s’attabler au moment où le maitre de maison va lui-même s’attabler, et qu’il n’a jamais été question qu’il mange tout seul ! C’est un argument avancé par le Dvar Avraham lui-même.
Pourtant, le Michna Broura lui-même dans le Chaar Hatsioun dans les lois de la Souka, précise la chose suivante : si l’on a du rentrer à la maison pour cause de pluie, le premier soir de Soukot, et que l’on souhaite attendre que la pluie cesse pour accomplir la Mitsva de manger dans la Souka, on peut le faire, mais pas aux dépends du pauvre qui attend, car on enfreindrait l’interdit de Bal Téha’her! On voit donc que le Michna Broura se contredit lui-même, puisque dans les lois du Chabat il laisse entendre que ce n’est que par compassion qu’il faut ne pas faire patienter les convives, alors que dans les lois de la Souka il ressort qu’il y a une réelle interdiction !
On peut expliquer cette différence de la manière suivante : dans les lois du Chabat, comme nous l’avons dit, le pauvre sait qu’il va passer à table à l’heure où le maitre de maison va le faire. Alors que dans les lois de la Souka, par définition, la pluie n’était pas attendue, donc retarder le repas est un changement dans le « timing » du pauvre qui entraine une transgression d’honorer son devoir dès que possible !
Autre question que l’on peut poser : pourquoi dans les lois du Chabat le souci du ‘Hafets ‘Hayim est dirigé vers l’invité pauvre. Si attendre est un manque de considération pour son prochain, dans ce cas même si l’invité n’est pas pauvre, l’attente peut lui causer un désagrément !
On pourrait approfondir davantage mais nous allons proposer une solution susceptible de répondre aux questions posées :
Dans la situation du Chabat, certes dès que les personnes rentrent de la synagogue, le temps imparti pour passer à table commence. Mais le maitre de maison ne s’est jamais engagé à passer à table immédiatement. Ce n’est que par respect et considération pour les autres qu’il devrait s’empresser de le faire. Toutefois, s’il patiente trop, un autre problème peut apparaitre, c’est celui de retarder son devoir envers le pauvre. Par exemple, s’il attend une heure ou deux avant de passer à table, il est clair que le pauvre ne s’attendait pas à attendre autant de temps. C’est pour cela que le Michna Broura ajoute la présence du pauvre, pour souligner qu’un autre problème peut s’ajouter au premier, celui de la Tsédaka.
En revanche dans les lois de la Souka, comme nous l’avons dit, l’interruption n’était pas prévue et peut constituer une attente de trop pour le pauvre et la transgression immédiate pour le maitre de maison.
Quoi qu’il en soit, notre conclusion est la suivante : si les invités ne sont pas spécialement dans le besoin, il faut évaluer dans quelle mesure une attente leur causerait une souffrance de trop. Généralement, les invités eux-mêmes souhaitent que le repas soit introduit par Chalom Alekhem etc. car cela fait partie de la beauté du repas chabatique. Mais si l’on exagère, on leur cause un désagrément.
Si l’invité est pauvre et a faim, on s’empressera davantage ; bien que, comme dit, il sait qu’il mangera à l’heure où le maitre de maison mangera. |
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