Réponse :
Une personne qui souhaite acheter un costume dans un magasin qui ne se soucie pas du tout de l’interdit de Cha’atnez, en vue de le faire vérifier par la suite chez une personne compétente, doit généralement essayer le costume au préalable. Comment, dès lors, essayer un costume alors que l’on n’a pas vérifié la présence de Cha’atnez ?
Cette question est pertinente et a déjà été traité chez les décisionnaires et a ses sources depuis la Michna déjà.
Mais nous allons, pour la réponse suivante, nous inspirer d’un ouvrage de Rav Its’hak Zilberstein, le ‘Hachouké ‘Hémed sur Yébamot, en page 74.
Le Rama (Y.D. chapitre 301, article 6) écrit que certains permettent de se vêtir de vêtements contenants des mélanges de lin et de laine, si la personne n’a pas l’intention de profiter. Par exemple, s’il se vêtit de Cha’atnez pour échapper aux impôts (il doit se vêtir et ne peut pas porter le vêtement dans ses bras ou dans son bagage de peur d’éveiller l’attention des douaniers). Ou alors, s’il souhaite vendre ce vêtement et doit pour cela, le porter sur lui afin que les acheteurs potentiels aient une idée de la taille du vêtement. On pourrait donner d’autres exemples mais ces deux là sont ceux que rapporte le Rama sur base des sources.
On pourrait en déduire que dans le cas qui nous concerne, c’est-à-dire celui où une personne souhaite simplement vérifier si le costume lui va convenablement mais ne souhaite pas tirer profit de cet essayage, la chose est permise, car elle ressemble aux cas précités.
Pourtant, le célèbre ‘Hokhmat Adam interdit de se vêtir d’un vêtement même s’il ne s’agit que de s’empêcher de se salir ou quelque chose de semblable qui n’est pas un profit corporel à proprement parler. En effet, pour le ‘Hokhmat Adam, le simple fait de se « vêtir » normalement est en soit un profit interdit par la Halakha.
Dans la suite, le ‘Hokhmat Adam rapporte les avis permissifs qui considèrent que se vêtir d’un costume pour échapper à la douane ou pour montrer la taille du vêtement aux acheteurs potentiels n’est pas considéré comme un profit corporel.
Mais malgré tout, il établit une différence entre celui qui enfile un costume pour la douane etc. où il agit de façon tout à fait désintéressé, c’est-à-dire que le fait qu’il porte ce costume n’est en rien lié avec une quelconque intention de le porter pour lui-même, et le cas où une personne essaye un costume (ou un chapeau, c’est le premier exemple qu’il rapporte) pour l’essayer pour lui-même: dans ce dernier cas, la personne porte le costume pour elle-même, même si c’est provisoirement pour vérifier sa taille.
Comme dit plus haut, les décisionnaires contemporains classiques ont traité cette question, voir en particulier le Min’hat Its’hak (tome 4 chapitre 15) ainsi que le Chévet Halévy (tome 2 chapitre 369) ou encore le Téchouvot Véhanhagot (tome 1 chapitre 657). Ces décisionnaires autorisent finalement d’essayer un costume, surtout, et c’est un point important, s’il s’agit d’une présence incertaine de mélange prohibé. Car en effet, dans la plupart des cas, la présence de Cha’atnez n’est pas avérée. Elle n’est que possible, et la vérification auprès d’un vérificateur de Cha’atnez compétent n’est là que pour retirer le doute. Alors que le Rama et ses prédécesseurs, ainsi que le ‘Hokhmat Adam, parlent d’un cas où la présence de Cha’atnez est avérée.
Dans la pratique, donc, on peut largement se reposer sur ces décisionnaires de renom et essayer le costume.
Malgré tout, le Rav Zilberstein, propose, pour ceux qui veulent se montrer strict, un moyen d’éviter tout problème. Il s’agit, une fois le costume sur soi pour l’essayer, de ne pas se regarder soi-même devant un miroir, mais de demander à un ami qu’il nous dise si le costume est à la bonne taille ou pas. L’ami répondra que le costume ne va pas très bien, puis attendra que la personne se déshabille et retire le costume pour lui dire que finalement le vêtement lui convient parfaitement.
De cette façon, la personne qui a essayé le costume n’a pas profité de ce costume, et lorsqu’il en profitera, en apprenant qu’il lui va à merveille, ce costume ne sera déjà plus sur lui !
Autre possibilité que donne le Rav : la personne qui essaye le costume, y mettra des aiguilles qui le dérangent. De cette façon, la personne ne profitera pas réellement de ce costume puisqu’il n’a pas envie de porter un costume avec des aiguilles et autres accessoires embêtant. |