Question :
Dans ma communauté, il arrive souvent que l’on ne dise pas la ‘hazara après la prière de Moussaf le Chabbat matin : est-ce une coutume correcte ?
Réponse :
Effectivement, certaines communautés en ‘houts laarets et parfois en Erets Israel ont l’habitude de renoncer à la répétition de la Amida, surtout celle de Moussaf. On avance parfois le peu de personnes concentrées pour écouter cette répétition, ce qui peut poser problème lorsqu’il n’y a pas 10 personnes qui répondent Amen correctement. Le ‘Hazan risque alors de prononcer des brakhots en vain. Mais des décisionnaires ont proposé de pallier à ce problème en recommandant au ‘hazan d’avoir l’intention que sa prière soit nédéva, c’est-à-dire considérée comme une téfila volontaire, au cas où n’y aurait pas suffisamment de personnes qui répondent Amen.
C’est ce que préconise le Emek Yéhochoua (du Rav Mamane). Certes l’on doit normalement insérer une requête nouvelle lorsque l’on souhaite dire une prière volontaire, mais l’on peut considérer justement que cette volonté de ne pas dire des brakhots en vain est en soi la nouveauté de cette prière, qui n’en fait pas « une prière de plus ».
Beaucoup avaient l’habitude au Maroc de ne pas faire de ‘hazara pour la prière de Moussaf. Les raisons en étaient certes la fatigue des fidèles après une longue prière, mais aussi parce que précisément la téfila de moussaf ne peut pas être faite en tant que nédava, volontairement, et que donc on voulait éviter les brakhots lévatala.
Dans le Chout Chemech Oumaguen (tome 1, chap. 37 et autres) il est traité de l’omission de la ‘hazara de Moussaf le chabbat. Il avance l’argument de la fatigue des fidèles et de leur tendance à murmurer pendant la répétition. Puis rapporte l’avis du Emek Yéhochoua qui pense que même sans poser de condition, le ‘hazan peut prier volontairement. Mais il précise que cela se défend pour les prières autres que Moussaf, alors que pour Moussaf il n’y a pas de prière volontaire, comme il n’y avait pas de sacrifice de Moussaf volontaire. Du coup, la crainte de ne pas avoir 10 fidèles qui écoutent attentivement la prière persiste, et il ne reste qu’à renoncer à la ‘hazara.
Dans le Chout Mayim ‘Hayim du Rav Yossef Messas (tome 1, chap.41 et 42) est posée une sorte de contradiction : d’un coté il ressort des Richonims que la ‘hazara a été instituée dans toutes les situations, et qu’il n’est pas la peine de vérifier si quelqu’un a besoin de cette répétition pour s’acquitter de sa prière. Mais d’un autre coté l’on voit que le Rambam dans ses téchouvots a instauré que la prière de Moussaf se fasse immédiatement à haute voix, en évitant la ‘hazara.
La réponse à cela se trouve dans les écrits du fils du Rambam, rabbi Avraham ben Harambam, qui explique que son père, voyant que les fidèles n’écoutaient pas la ‘hazara, a instauré que la prière se fasse directement à haute voix.
Le Mayim ‘Hayim va encore plus loin que le Rambam. Celui-ci n’a fait qu’annuler la répétition de Min’ha mais lui préconise d’annuler aussi celle de Cha’harit : de nos jours, dit-il, les fidèles n’écoutent plus et ne comprennent plus la ‘hazara du ‘hazan.
Le Mayim ‘Hayim justifie son jugement par le fait que la concentration est indispensable pour la prière. De plus, il y a certains mots dont il faut comprendre la signification comme le mot Amen.
Certes dans le Beth Yossef il apparait qu’à Tsfat on avait prononcé un nidouy contre toute personne qui ne faisait pas la répétition de la Amida. Mais certains affirment que le mot « nidouy » n’est pas à prendre au pied de la lettre. De plus, le nidouy de Tsfat ne saurait concerner d’autre communautés.
Il faut souligner que le Radbaz prétend que les gens doivent plutôt suivre l’usage de faire la répétition. Car en se basant sur le Rambam qui a annulé la ‘hazara, il y a deux problèmes : ces gens doivent se conformer au Minhag majoritaire dans leur pays. En Eretz Israel, les séfaradims font la ‘hazara. De plus, la mesure du Rambam était ponctuelle, relative à son lieu et son époque. Ce n’est pas une règle générale pour toujours et partout.
Il a encore été dit beaucoup sur le sujet. Mais il faut souligner que face à l’importance que la kabala et le Arizal, donnent à la ‘hazara, qu’ils considèrent même comme plus grande encore que la téfila dite à basse voix, on ne s’étonnera pas que le Ben Ich ‘Hay recommande de ne jamais annuler la ‘hazara. Notre maitre le Rav Eliahou était aussi de cet avis, il faut maintenir la ‘hazara. Mais il savait aussi respecter les us et coutumes de chaque communauté, cela faisait sa grandeur.
Conclusion : il existe certes une coutume d’omettre la ‘hazara de certaines prières, en particulier celle de Moussaf de Chabbat, dans des communautés Nords africaines, marocaines en particulier. Certains maintiennent cet usage, mais de plus en plus, ce sont les recommandations des maitres de la kabala qui sont retenues à ce sujet, et qui donnent une grande importance à la ‘hazara. Il faudra donc consulter le rabbin de la communauté, qui en connait les origines, la disposition des fidèles à écouter la ‘hazara, et qui jugera de la voie à suivre. |