Question :
Nous savons que pour permettre d’offrir un cadeau le Chabat, on doit le faire acquérir à quelqu’un avant Chabat, au profit de celui qui en est le bénéficiaire. Mais peut-on le faire acquérir à son épouse pour une tierce personne, ou considère t on la femme du donneur comme le donneur lui-même, en vertu du principe « la femme d’une personne est comme la personne elle-même » ?
Réponse ;
le Maguen Avraham (306, 15) stipule que le commerce est interdit le Chabat, aussi bien oralement que par le biais d’une transmission physique. Et ce, par crainte que l’on on vienne à écrire. Il ajoute au nom du Mordekhay qu’il est interdit de donner un cadeau le Chabat ou le Yom Tov, à moins qu’il s’agisse d’une Mitsva. Lorsque c’est un don en l’honneur de Chabath, dit- il, il est évident que c’est autorisé.
Le Birké Yossef rapporte les propos du Beth Yossef s’étonnant du fait que le Mordekhay ait interdit le don par la traction (Mechikha) lorsqu’il ne s’agit pas d’une Mitsva. Le Beth Yossef semble penser au contraire que lorsqu’il n y a pas de mode d’acquisition tel que le Soudar, le don est totalement permis. Mais, ajoute le Birké Yossef, le Beth Yossef semble ignorer que le Ramban, le Reeh, le Rachba et le Ritba ont clairement interdit toute acquisition y compris par la Méchikha !
Le Kaf Hah’ayim (306 ,44) et le Michna Beroura (306, 33) expliquent que la raison de l’interdiction d’offrir un cadeau est que cela s’apparente au commerce.
Le Choul’han Aroukh (HM, 243,14) écrit que pour acquérir un bien en faveur de quelqu’un, il faut que l’acquéreur (intermédiaire) soit adulte et suffisamment doté d’intelligence. Il peut être un homme ou une femme. Un serviteur, une femme mariée ou une servante. Il est rajouté entre parenthèse, dans le CA : « uniquement par l’intermédiaire de personnes extérieures, à l’exclusion de son maitre, de son mari. A moins que ceux-ci acquièrent aussi pour eux même. »
On lit aussi dans le CA (OH, 366, 10) que lorsqu’on fait acquérir via une tierce personne, celle-ci ne sera le fils ou la fille du donneur, y compris lorsqu’ils ne sont plus à sa charge. Elle ne sera pas non plus son propre serviteur ou sa propre servante « cananéenne ». Mais il peut s’agir de son grand fils, de sa grande fille, y compris lorsqu’ils sont à sa charge, ou de son serviteur ou de sa servante juifs, même mineurs. Ou même de sa femme y compris si il lui donne sa subsistance, et y compris si elle n’a pas sa propre maison dans la cour. D’autres maitres, poursuit le CA, excluent le fils ou la fille qui sont encore à sa charge même s’ils sont grands. Ainsi que la fille, même indépendante, si elle n’a pas atteint la maturité (Bagrout). Ils excluent aussi la femme si elle reçoit sa subsistance de lui ou s’il lui a dit : « que le produit de ton travail fasse office de Mézonot, même si elle a une maison dans la cour ». Mais selon eux, on peut se servir de son fils indépendant même petit, ou de sa fille mature et indépendante, ou encore de sa femme indépendante (il ne lui donne pas des Mézonots) même si elle n’a pas de maison dans la cour.
Le CA conclut qu’il est bon de respecter les deux avis quand cela est possible. Pour le Erouv, annote le Rama, on se repose a posteriori sur l’avis permissif. Cela veut dire, explique le Kaf Hah’ayim (article 106), qu’il vaut mieux choisir un fils grand, indépendant, ou une fille mature et indépendante, ou encore une femme à qui le donneur ne donne pas une assistance économique et à qui il n’a pas échangé le fruit du travail de sa femme qui normalement lui revient à lui, en échange de ne pas donner la subsistance à sa femme.
Bref, il est possible de faire acquérir un bien mais pas par l’intermédiaire de sa femme, de son grand fils, de sa grande fille s’ils sont encore dépendant. S’il est impossible de donner le cadeau à une tierce personne pour qu’il l’acquière en faveur du bénéficiaire, il est possible à ce moment-là de faire acquérir au bénéficiaire avant Chabath en disant : « le cadeau est acquis à untel dès maintenant ». Ainsi, il y a transfert de propriété, bien qu’il n’y ai pas eu d’acte d’acquisition. Cette opinion est celle du Nétivot qui pense qu’on peut se passer d’une tierce personne a posteriori. (À la différence du Ksot).
Le Kaf Hah’ayim rapporte la coutume de donner un une coupe d’or ou d’argent pour la Dracha du Rav le Chabat, et renvoie au Responsa Mahari Assad (OH, 83) qui recommande au Rabbin de ne pas avoir l’intention d’acquérir l’objet avant la sortie du Chabat.
Conclusion : il faudra faire acquérir veille de Chabath par l’intermédiaire d’une tierce personne. Celle-ci ne sera ni son épouse ni son fils ou sa fille qui mangent à sa table, même s’ils sont grands.
Si on ne trouve pas une telle personne, il lui donnera directement le cadeau et lui demandera de l’acquérir pour Motsaé Chabat.
Cette réponse est adaptée d’une réponse de notre maitre le Rav M. Eliahou dans Maamar Mordekhay (chap. 72 artc. 22) |