De nos jours on a l’habitude de ne pas verser l’huile directement dans la ‘Hanoukia en argent afin de ne pas l’abimer, mais dans des petits verres ou des godets en verre que l’on pose sur les branches de la ‘Hanoukia. La question se pose si cela est encore considéré comme ayant accompli l’allumage sur une ‘Hanoukia en argent, donc Béhidour, en magnifiant la Mitsva, les petits verres étant considérés comme insignifiants et négligeables par rapport à la ‘Hanoukia en argent car ils viennent la protéger; ou bien au contraire on perd le Hidour, car cela est considéré comme ayant allumé dans de simples godets en verre, le verre faisant interférence entre l’huile et la mèche et le support en argent.
Le Choul’han Arou’h (Ora’h ‘Haim 673, 3) tranche que l’on ne peut réutiliser un ustensile en argile pour y allumer les bougies de ‘Hanouka, car après le premier allumage, il devient répugnant. Par contre il n’y a pas de contre-indication d’utiliser plusieurs fois un ustensile en métal ou en verre, car il ne devient pas dégoutant et cela n’est pas dégradant pour la Mitsva. Le Michna Broura (ibid 28) écrit qu’il est louable d’acheter une belle ‘Hanoukia selon ses moyens afin d’honorer la Mitsva. Le Kaf Ha’haim (ibid 60) rapporte au nom du Rabbi Avraham Azoulay, grand-père du Rav ‘Hida, dans son livre ‘Hessed Léavraham (Maayan 2, Nahar 58) une liste d’ordre de préséance des métaux et matériaux que l’on doit utiliser pour fabriquer une Menora de ‘Hanouka, la ‘Hanoukia, les métaux précieux comme l’or et l’argent étant en tête. Il écrit que l’on peut même utiliser une coque de noix ou une écorce de grenade à condition d’en faire un réceptacle, mais pas une pelure d’oignon ou une coque d’œuf, car il faut qu’ils puissent tenir tout seul.
Le Avné Nézer (Ora’h ‘Haim 500) déduit des mots du ‘Hessed Léavraham que l’ustensile dans lequel on verse l’huile et on pose la mèche fait partie de la Mitsva, c’est pourquoi il peut y avoir une liste de préséance. En effet il se pose la question de savoir si la Mitsva de Ner ‘Hanouka, la lumière de ‘Hanouka réside uniquement dans l’huile et la mèche, et l’ustensile les contenant ne représente qu’une Hé’hi Timtsé, une situation, une option pour pouvoir les contenir; ou bien il fait partie intégrale de la Mitsva comme l’huile et la mèche. Il rapporte l’opinion du Maharal de Prague (Ner Mitsva 2e partie) selon lequel la Guémara reste en doute sur ce point et ne tranche pas la question (C’est pour cette raison que d’après le Maharal on ne peut s’acquitter avec une bougie en cire, car il faut de l’huile une mèche posée dans un ustensile, et non une mèche entourée de cire). Le Avné Nézer déduit donc du ‘Hessed Léavraham que le Kéli fait partie intégrante de la Mitsva c’est pourquoi on peut parler de Hidour dans le Kéli, sinon ou aurait pu utiliser n’importe quel ustensile.
Le Rav Wozner (Chévet Halévy vol. 8, 157; Moadim, ‘Hanouka, 2) fait dépendre notre sujet avec celui du Avné Nézer. Si le Kéli fait partie intégrante de la Mitsva et qu’il est possible d’accomplir le Hidour avec un Kéli, alors on prend en compte uniquement le Kéli où sont déposées l’huile et la mèche. On a donc accompli la Mitsva avec un simple verre, et non avec la ‘Hanoukia en argent. Mais si on considère que le Kéli est juste une option pour contenir l’huile et la mèche, et la Mitsva principale est uniquement l’allumage, alors on regardera la ‘Hanoukia de manière plus générale comme un support pour l’huile et la mèche, et les verres sont accessoires et négligeables par rapport à la ‘Hanoukia en argent. On accomplit donc la Mitsva avec une ‘Hanoukia en argent. Le Rav Wozner lui-même penche pour cet avis.
Le Rav Cholmo Zalman Auerba’h (Hali’hot Chlomo Moadim, ‘Hanouka, 15, note 17) pense également comme cet avis et rapporte une preuve de la Michna du traité Kélim (24, 17). La Michna parle de trois cas de boites ou caisses mises l’une dans l’autre: une vielle et abimée posée dans une neuve; une petite dans une grande ou deux de la même taille, on va d’après la neuve, la grande ou celle à l’intérieure. C’est celle-ci qui fixe l’état de pureté ou d’impureté des deux caisses en même temps. De même dans le cas de la ‘Hanoukia le petit verre posé sur la ‘Hanoukia est négligeable et s’annule par rapport à celle-ci.
Le Rav Chamay Gross (Chévet Hakéhati vol. 3, 201, 4) se penche également sur le sujet et défend l’habitude répandue de verser l’huile et les mèches dans des petits verres posés sur une ‘Hanoukia en argent et non directement sur la ‘Hanoukia et apporte une preuve d’une autre Michna du traité Kélim (13, 6). La Michna énonce qu’un bout de bois qui sert un objet en métal est impur, tandis qu’un bout de métal qui sert un objet en bois est lui pur. La Michna rapporte l’exemple d’une clé dont le manche est en bois et les dents sont en métal qui est impure, car les dents représentent la partie principale; par contre si le manche de la clé est en métal et les dents sont en bois, celle-ci reste pure. En effet, il existe un principe selon lequel Pchouté Kéli Ets Téhorim, de simples ustensiles en bois, qui n’ont pas de réceptacle, comme une planche en bois, ne reçoit pas l’impureté, par contre le même objet en métal, même si il n’a pas de réceptacle, reçoit lui l’impureté.
Dans le cas de la ‘Hanoukia également, les verres ‘servent’ la ‘Hanoukia pour la protéger afin qu’elle ne se salisse pas et ne se noircisse pas avec l’huile et les mèches qui brulent. L’essentiel réside donc dans le support qui et ici la ‘Hanoukia en argent.
Le Rav ‘Haim Chalom Ségal (Birouré ‘Haim vol. 4, 23) s’étonne de la comparaison, car dans le cas de la clé, les deux morceaux sont attachés et unis ensemble, comme l’écrit explicitement le Tiféret Israel (Ya’hin 49) sur place, comme le principe énoncé plus haut dans le même traite de Kélim (12, 2): « Kol Hamé’houbar Latamé, Tamé; Kol Hamé’houbar Latahor, Tahor », tout ce qui est relié à l’impur, reçoit lui aussi l’impureté, et tout ce qui est relie à quelque chose de pur (c.-à-d. qui ne reçoit pas l’impureté) reste pur. Par contre dans le cas de la ‘Hanoukia les verres sont juste posés sur la ‘Hanoukia. Il propose donc de coller les petits verres afin de les annuler à leur base pour que cela soit considéré que l’allumage ait eu lieu sur la ‘Hanoukia en argent et non dans les verres.
Le Rav Wozner (Kovets Mibeit Lévy vol. 10, p.13, note 4) tente une deuxième approche, étant donné que la plupart des petits verres que l’on pose sur les branches de la ‘Hanoukia ne peuvent tenir tout seul, en effet ils ont un pied pour mieux s’incruster et leur socle n’est pas plat, ils ne peuvent donc tenir que si ils sont posés sur la ‘Hanoukia. Ils sont donc négligeables par rapport à ceux-ci. Le Rav ‘Haim Chalom Ségal (Birouré ‘Haim vol. 4, 23) s’étonne car le Choul’han Arou’h tranche dans les lois de Nétilat Yadayim (Ora’h ‘Haim 159, 5) qu’un Kéli qui ne tient pas tout seul mais qui dès sa fabrication est destiné à être utilisé en étant tenu et posé sur un support est considéré comme un Kéli. De même dans notre cas même si les verres ne sont pas plats mais ont un pied, puisqu’ils sont destinés à être utilisés sur un socle, ils sont considérés comme un ustensile à part entière et ne sont donc négligeables par rapport à la ‘Hanoukia. Cette remarque est déjà mentionnée par le Rav Avraham Méyou’has (Chout Sédé Haarets, vol. 3, 41), rav de Yérouchalaim. Le Sédé ‘Hémed (Maaré’het ‘Hanouka 7) rapporte une preuve de la Michna Kélim (4, 3): « le fond des verres de Corfou et le fond des éprouvettes de Sidon reçoivent l’impureté, car ils sont fabriqués pour être utilisés en étant tenus, bien que leur socle soit pointu ». Le Rav Ben Tsiyon Feldman (Chalmé Toda, ‘Hanouka 10, 2-3) rapporte également une preuve de la Michna du début du traité Kélim (2, 8) selon laquelle un Lapid, une torche est apte à recevoir l’impureté. Le Rabbénou Chimchon et le Barténoura expliquent qu’il s’agit d’un ustensile pointu dans lequel on y met de l’huile et des mèches de tissu, que l’on plante dans un socle prévu à cet effet. Le ‘Hidouch de la Michna est que bien que cet ustensile ne tienne pas tout seul, il est quand même considéré comme un Kéli car il est destiné à être utilisé en étant maintenu.
En conclusion d’après la plupart des décisionnaires contemporains (Rav Wozner, Rav Chlomo Zalman Aurba’h, Rav Feldman ainsi que d’après le Rav Ben Tsiyon Abba Chaoul dans son Or Létsiyon vol. 4, 44, 7) allumer les bougies de ‘Hanouka dans des verres posés sur une ‘Hanoukia en argent est considéré comme ayant accompli la Mitsva Béhidour, par contre d’après le rav Segal il faut coller les verres à la ‘Hanoukia pour accomplir le Hidour avec une ‘Hanoukia en argent. De même le Rav Moché Chtérenbou’h (Téchouvot Véhanagot vol. 5, 223) écrit qu’il faut utiliser des verres en argent sinon on perd le Hidour, à moins d’utiliser des mèches sur des flotteurs, qui descendent au fur et à mesure que l’huile se consomme pendant l’allumage, il est préférable dans ce cas d’utiliser des verres en verre afin que la flamme soit visible de l’extérieur.
D’après le Rav Zatsal on accomplit le Hidour en allumant les lumières de ‘Hanouka dans des godets en verre posés sur une ‘Hanoukia en argent