Question :
J’ai un ami qui a un magasin à Paris. Récemment, je lui ai acheté un produit mais qu’il ne recevra que dans quelques semaines. Y a-t-il un problème de Ribit, si le prix augmente entre temps ?
Réponse :
Les lignes suivantes concernent le cas, relativement simple exposé dans la question, c’est-à-dire celui d’un client juif qui paye à l’avance à un marchand juif un produit qu’il ne recevra que plus tard.
Les Sages ont interdit de payer à l’avance un objet, pour le recevoir ultérieurement, même à un prix identique à celui de départ. Il y a à craindre en effet que la valeur de l’objet augmente entre temps. Le vendeur (considéré ici comme le préteur puisqu’il a reçu l’argent de la vente avant même d’avoir livré l’objet) donnerait alors davantage que ce qu’il a reçu de l’acheteur !
Même si la valeur de l’objet n’a finalement pas monté, il y a transgression par les deux parties d’un interdit rabbinique.
Mais il y a trois situations où les Sages ont autorisé à payer un objet à l’avance :
1 ) Lorsque le vendeur a déjà en sa possession l’objet en question. On considère alors que l’acheteur a déjà une emprise sur l’objet et que l’augmentation en question s’est faite en sa possession de l’objet.
2) Si l’objet est disponible à la vente ailleurs, et qu’il a un prix défini : On considère alors que le vendeur n’a rien apporté à l’acheteur comme bénéfice, puisque celui-ci aurait très bien pu se procurer cet objet ailleurs, s’il l’avait souhaité. Cette autorisation est connue dans la Halakha comme le cas de » Yatsa Hacha’ar ».
3 ) lorsque l’objet n’a pas de prix défini, ou que son prix dépend d’un nombre important de facteurs, et qu’il est difficile de l’évaluer pour l’instant. On considère alors que même s’il y a une forme d’intérêt en cas d’augmentation de la valeur de l’objet, cette augmentation n’est pas visible puisque le prix n’est pas connu, ni au moment du paiement, ni au moment de la livraison de l’objet.
Cette autorisation porte le nom, dans la Halakha, de « Ein Choumato Yédou’a », ou « son prix estimé n’est pas connu ». (certes le Chakh n’a retenu cette autorisation que dans certaines configurations, mais comme il est quasiment le seul à opérer des restrictions en la matière, nous n’avons pas jugé important de s’étendre sur la teneur de son avis)
Il faut préciser que si le vendeur dit explicitement que c’est parce que le paiement a été avancé que le prix ne sera pas modifié, mais que s’il ne paye pas à l’avance ce sera le prix au moment du paiement qui sera retenu, la transaction est interdite y compris dans les situations décrites plus haut.
D’autre part, les autorisations ne sont valables que si le vendeur et l’acheteur ont employé une terminologie commerciale, mais s’ils ont parlé explicitement de prêt, la transaction est interdite. Par exemple, si le vendeur avait besoin d’un prêt, et l’acheteur lui accorde se prêt en le payant à l’avance pour un produit qu’il ne recevra que bien plus tard, cela est interdit.
Important : si le vendeur se met d’accord avec l’acheteur qu’en cas d’augmentation de la valeur de l’objet celui-ci ajoutera au prix de départ, l’interdit est levé, puisque l’acheteur n’a pas obtenu de bénéfice de cette augmentation. Mais cette condition doit être posée dès le départ. Ajouter de l’argent à la fin ne résout pas le problème car c’est la transaction elle-même qui a été interdite, indépendamment de ce qu’il se passe à la fin.
Précision très importante : tout ce qui vient d’être exposé est valable lorsque le vendeur a proposé un prix « normal ». Mais s’il a baissé le prix pour obtenir un paiement précoce, d’autres lois sont en vigueur !
Précisons encore que si l’acheteur ne fait que s’engager par avance mais le paiement effectif ne se fera qu’au moment de la réception de l’objet, la transaction est tout à fait autorisée car il ne s’agit pas d’un prêt du tout mais uniquement d’un engagement.