Réponse :
Il nous faut au préalable introduire quelques notions concernant le partage des biens au sein d’un couple. Il y a des biens que la femme apporte, c’est-à-dire introduit au sein du foyer, lorsqu’elle se marie. Le mari en est responsable, c’est-à-dire responsable de restituer leur somme. Ainsi, si ces biens diminuent de valeur, on considère que c’est lui qui est redevable de la somme diminuée, car on calcule la valeur de ces biens en fonction de ce qu’ils valaient au moment du mariage et non de leur valeur diminuée au fil du temps. Ce type de biens porte un nom : on les nomme Nikhssé Tsone Barzel, car ils sont en quelque sorte « solides » comme le fer, puisque la femme ne perd pas leur valeur.
La question est donc de savoir si le mari peut vendre ces biens. Le Choul’han Aroukh, s’appuyant sur le Rambam et Rabénou Tam (voir Even Haezer 90, 14) interdit au mari de vendre ces biens ni même de les donner en gage. La raison est qu’il portent en eux ce qu’une femme apporte de « la maison de son père ». Cependant, si les biens ont malgré tout été vendus, ce qui a était fait est reconnu comme fait accomplit.
Les commentaires ‘Helkat Mé’hokek et Beth Chmouel expliquent que puisque le mari est de toutes les manières en droit d’utiliser ces biens jusqu’à épuisement, on considère que c’est le cas ici : ces biens ont en quelque sorte été épuisés.
En revanche, le Roch et le Rachba, ainsi que le Rama considèrent que la vente est annulée.
Dans la question posée, il s’agit de bijoux achetés par le mari pour sa femme. Il faut d’abord déterminer le statut de ces biens. Normalement, ce qu’un homme achète à sa femme, celle-ci n’a pas le droit de le vendre sans sa permission. C’est écrit dans le Choul’han Aroukh (95,7). Il y est écrit en effet que si le mari a donné un bien (mobilier) à sa femme, il appartient totalement à celle-ci au point que le mari ne peut même pas en tirer des bénéfices, mais elle, elle ne peut pas vendre ce bien ou le donner à une tierce personne. En cas de décès de la femme, le mari en héritera.
En fait, un tel bien a le statut non pas de Nikhssé Tsone Barzel, mais de Nikhssé Mélog. Du coup les commentaires ont relevé une sorte de contradiction: comment se peut-il que la vente de ces biens soient actées a postériori (voir Choul’han Aroukh 90,15) s’ils sont le statut de Nikhssé Mélog qui ne peuvent pas être vendus ? les commentaires répondent en établissant une distinction entre le cas où le mari a simplement réservé des biens pour l’encaissement éventuel de la Kétouba par sa femme (là on considère qu’il n’a pas vraiment donné ces biens mais les a juste réservé) et le cas où il a fait un véritable don. Dans ce dernier cas, la vente est annulée.
Cependant, le Choul’han Aroukh donne une précision de taille : ce que le mari ne peut pas vendre, ce sont des biens comme des vêtements ou autres objets de ce type ; mais s’il s’agit d’objets en or ou en argent, ou encore en cristal, il est clair que le mari ne les a pas achetés à sa femme en vue d’être sans le sou et de les posséder. Ceci dit, même lorsqu’il s’agit de bijoux, les commentaires précisent que le mari peut les vendre en vue d’investir l’argent obtenu et d’en récolter les bénéfices, mais il ne peut pas simplement les vendre et gaspiller leur capital. Il faut aussi souligner ce que dit le Tachbets (tome 1, chap. 98), à savoir qu’un bijou dont la femme ne se sert pas et ne porte jamais sur elle, on peut le vendre car l’intention du mari était que la femme s’orne de ce bijou et non qu’il serve d’objet inutilisé.
Il en ressort donc que la vente ne peut pas être annulée car il s’agit d’objets en or etc. mais le mari ne peut pas non plus gaspiller l’argent de la vente et perdre le capital, il se doit d’investir cet argent dans quelque chose de rentable. A moins qu’il s’agisse d’un bijou que la femme n’utilise plus du tout.
Si le bijoutier est prêt à restituer le bijou et se voir rembourser, et que le mari est d’accord, là il est clair qu’on pourra annuler la vente et le bijoutier aura accompli un acte de générosité qui lui vaudra des bénédictions. |