Quelle est la coutume des juifs tunisiens pour les Téfilins le jour de Ticha Béav ?
Il y a apparemment trois coutumes chez les Tunisiens concernant la pose des Téfilins le matin de Tichéa Béav. Dans la majorité des synagogues on agissait comme le recommande le Choul’han Aroukh, c’est-à-dire qu’on ne mettait ni le Talith ni les Téfilins. On les mettait en revanche à Min’ha. Cependant, dans certaines synagogues l’ensemble des fidèles priait avec le Talith et les Téfilins, qu’on retirait après la répétition de la ‘Amida pour dire les Kinots. Il y avait enfin des synagogues qui renonçaient tout simplement à la prière en public. Les fidèles se rassemblaient plus tardivement pour dire les Kinots et lire la Torah.
On consultera le Tour et le Beth Yossef au chapitre 555, ainsi que le Kaf Ha’hayim.
Le grand sage Rabbi Eliahou Guez a écrit dans son ouvrage Zé Hachoul’han que la coutume de sa ville était que seuls certaines personnes et les érudits mettaient le Talith et les Téfilins. Ils priaient seuls chez eux à la maison. Les autres ne se mettaient pas Talith et Téfilins le matin mais seulement à Min’ha.
Nous avons donc un témoignage datant de plus d’un siècle affirmant que seuls certaines personnes priaient discrètement chez eux avec Talith et Téfilins le jour de Ticha Béav. Quant à dire qu’il y avait des communautés où l’ensemble des fidèles mettaient Talith et Téfilins mais que le Rav Guez n’en avait pas eu vent, semble peu probable.
Il est davantage probable que les usages récents où l’ensemble des fidèles se réunissent avec Talith et Téfilins le matin est une évolution de la coutume pointée par le Rav Guez, qui apparemment s’est étendue et démocratisée.
Ce phénomène n’est pas nouveau. On constate une évolution semblable en Erets Israel.Il y a 150 ans le Beith ‘Oved rapporte le Halakhot Kétanot qui témoigne qu’en Erets Israel on a l’habitude de mettre Talith et Téfilins discrètement à la maison, où l’on y lit le Chéma et la ‘Amida. Ensuite, on allait à la synagogue. C’était aussi, dit-il, la coutume du Maharam Galanti. Ce témoingnage rejoint en partie celui du Rav Yossef Shwartz qui décrit les coutumes sépharades d’il y a plus de 150 ans, qui écrit également qu’on priait le matin à la synagogue sans Talith et Téfilins, et que seuls certains (kabalistes surtout) les mettaient à la maison.
Quant au Kaf Ha’hayim, plus récent (il ya environ 90 ans) il témoignage que dans certaines synagogues (mise à part la communauté kabaliste de Beth El), on prie avec Talith et Téfilins. On voit donc que cette pratique tend à s’étendre !
Toutefois, il est connu qu’en Algérie, on prie depuis toujours en Talith et Téfilins le matin de Tiché Béav. Voir le Rav Yéhouda ‘Ayach dans son ouvrage Maté Yéhouda (chapitre 555). Or, les coutumes de Tunis sont très proches de celles d’Alger! Les Sages de Tunis se sont souvent appuyés sur les écrits du Rav ‘Ayache. Il est donc possible, malgré ce qui a été avancé précédemment, qu’il y a bel et bien une coutume tunisienne ancienne de mettre Talith et Téfilins le matin de Ticha Béav.
Il y a un sage du nom de Rabbi Yéhouda Halévi, décédé il y a 150 ans et élève du ‘Erekh Hachoul’han. Dans son ouvrage Ma’hané Lévia (fin du chapitre 51) il rapporte différentes coutumes concernant le sujet ici traité. Il écrit qu’il y a des endroits où on mettait les Téfilins comme les jours ordinaires. Mais que la majorité des gens ne les mettaient pas, seuls certains, et discrètement. Dommage qu’il ne précise pas quels sont ces endroits où l’on mettait les Téfilins comme d’ordinaire.
Le voyageur Rabbi Israel Ben Yossef Binyamin écrit dans son ouvrage Massaé Israel qu’à certains endroits on porte des Téfilins le matin de Tichéa Béav, qu’on entourait le Séfer Torah d’un foulard noir et de quelques cendres. L’auteur traite dans ce passage des coutumes d’Afrique du Nord en général et pas spécialement de Tunis.
Comme nous l’avons écrit plus haut, les usages concernant le Talith et les Téfilins dans les communautés tunisiennes n’est donc pas homogène. Chacun suivra sa coutume (celle de ne pas prier du tout en public ne fait pas l’unanimité), mais se doit d’être aussi en phase avec la communauté dans laquelle il prie sans agir différent d’eux de manière ostentatoire.
Les lignes qui précèdent sont inspirées directement de l’ouvrage ‘Alé Hadass. |
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