Question :
On m’a dit qu’il est préférable, si je souhaite jeûner à Tou Bichevat, de remplacer le jeûne normal par un jeûne de la parole. Est-ce vraiment efficace ?
Réponse :
Nous allons évoquer d’abord le Taanit Dibour concernant Tou Bichevat précisément, et ensuite le Taanit Dibour dans son aspect plus général.
Il est notoire qu’il y a une coutume chez certains séfarades de faire un jeûne de la parole à Tou Bichevat. C’était la coutume de la célèbre yeshiva de Porat Yossef à Yérouchalaim. Les élèves de la yeshiva lisaient des Téhilim tout au long de la journée. La plupart des rabbanims de cette yeshiva y accordaient une importance, d’autres ne voyaient pas d’un bon œil le fait que les élèves manquent à leur étude approfondie de la Guémara pour dire des Téhilim, ce qui est aussi une forme d’étude mais à moindre importance. (La solution aurait été, a priori, que les élèves fassent un jeûne de la parole tout en étudiant la Guémara).
Certes, les maitres de la ‘hassidout ont accordé une grande importance à la lecture de Téhilim pendant la période dite des Chovavim, c’est-à-dire la période qui va de la Paracha de Chémot à celle de Michpatim (voir Tétsavé selon certains, si l’année est embolismique et qu’il ya deux mois d’Adar). Il serait trop long de tous les rapporter ou les citer dans le cadre de ces lignes. Mais signalons pour exemple le Divré Yé’hezkel de Chinva (parachat Chémot) qui dit que les initiales des premiers mots du livre de Chémot sont Véélé Chémot Bné Israel Habaim Mitsrayma, et les premières lettres de ces mots forment le mot hachavim, c’est-à-dire ceux qui se repentissent, alors que les dernières lettres de ces mots forment le mot Téhilim. L’allusion est claire, et le Rav dit que la récitation des Téhilims en ces jours est importante pour la réparation des fautes liées à la semence.
On trouve des propos ressemblants dans le livre Ohev Chalom de Rabbi Chalom Chapira de Koznits (Paracha Chémot) en rapportant d’ailleurs un raisonnement intéressant : puisque David le Roi a prié pour que la lecture de ses psaumes ait la même valeur que l’étude des traités de Taharots, traitant des lois de pureté, et que ladite étude est justement propice au pardon des fautes liées au Brit, il en sera donc de même concernant la lecture des Téhilims !
Len Gaon de Vilna préconise à l’homme de se faire souffrir jusqu’au dernier jour, mais pas par le jeûne et les mortifications : il suffira de contrôler ses paroles et ses envies. Voilà ce qui constitue la Téchouva selon le Gaon de Vilna. Il va même jusqu’à dire que celui qui se censure la bouche mérite, à chaque instant où il le fait, la lumière originelle cachée, que même les anges ne peuvent se représenter !
Le Michna Broura aussi rapporte que celui qui souhaite « offrir » un jeûne préfèrera le jeûne de la parole, car celui-ci n’entraine aucune faiblesse corporelle ni spirituelle.
Il faut savoir toutefois, que lorsque l’on évoque le Taanit Dibour, il ne s’agit pas forcément de ne rien dire du tout. En fait, celui qui solliciterait son ami pour lui rapprocher un objet éloigné de lui, par exemple, ne transgresserait pas le Taanit. Il s’agit davantage de ne pas dire des propos vains, inutiles, et a fortiori des propos contenant de la médisance ou de la moquerie. Il est vrai que certains s’abstiennent de parler tout court (excepté les prières et le Téhilims). Mais il semble que ce soit plutôt un moyen de ne pas glisser facilement vers des propos inutiles. Alors, on évite tout simplement la parole. La frontière entre propos nécessaires et propos superflus n’est en effet pas si évidente que cela. Mais comme dit, le principe de base est que l’on peut dire ce qui relève des paroles basiques nécessaires.