Réponse :
En soi, on ne peut pas dire qu’il y a un interdit à ce que les dames de la Ezrat Nachim embrassent le Sefer Torah qui passe tout près d’elles. D’autres problèmes, liés, peuvent toutefois exister : d’abord, il ne faudrait pas déplacer le Sefer Torah d’un endroit à l’autre. Ce n’est pas autorisé en toute circonstance et je ne pense pas pour une telle circonstance. Le cas envisageable serait donc celui où la Ezrat Nachim, c’est-à-dire la partie de la synagogue réservée aux femmes, soient tout à coté de la partie réservée aux hommes, et que par exemple, une mé’hitsa sépare les hommes des femmes. Dans ce cas, il suffit juste de passer devant le rideau ou autre, sans devoir changer réellement d’endroit. D’autre part, il faut s’assurer que ce ne sont pas des motifs féministes ou libéraux qui motivent la demande. Ce serait en effet un problème que le Sefer Torah serve les désirs progressistes de certains. Il faut que le Rav de la communauté perçoive qu’il s’agit d’une demande pure provenant de femmes qui aiment la Torah.
Le Tsits Eliezer (12,40,1) remarque le fait que souvent on sorte le Sefer Torah de l’Arche Sainte pour l’amener vers la Bima afin qu’on y lise la Paracha. Or il arrive que celui qui porte le Sefer fasse quelques pas en marche arrière ou alors quelques pas vers le coté, pour permettre à certains d’embrasser le Sefer. N’est ce pas un manque de respect envers le rouleau de la Torah, dans la mesure où l’on fait amener le Sefer vers nous et non l’inverse ? l’auteur convient en effet que cela pose un problème, car ce n’est pas au Sefer de venir mais aux fidèles de venir vers lui. Concernant notre cas, en revanche, il est possible qu’il n’entre pas du tout dans le cadre des propos du Tsits Eliezer. En effet, dans la mesure où les dames doivent rester dans la partie qui leur est réservée, et ne peuvent pas venir elles-mêmes vers le Séfer Torah, nous ne devons pas considérer comme un manque de respect le fait que nous apportions le Sefer Torah vers elles : il n’y a pas d’autre choix si elles souhaitent voir ou embrasser le Séfer torah.
Certes, on objectera que puisqu’il n’y a aucune recommandation d’amener le Sefer Torah vers les femmes, nous avons donc parfaitement le choix de ne pas l’amener. Et donc, l’amener serait un manque de respect. A cela nous pourrions répondre qu’il n’y a certes pas d’obligation ou de recommandation, mais il y a un tel usage chez les juifs d’Afrique du Nord, qui, du coup, considèrent cet usage non comme un ajout mais comme un rite normal de la sortie du Sefer Torah. Dans ce cas-là, si nous ne voulons pas créer de frustration, on pourra faire passer le Sefer devant la Ezrat Nachim.
Je n’ai pas évoqué le problème ou pas que peut poser le fait qu’une femme Nida touche le Sefer Torah. En principe, il n’y a pas lieu de se montrer strict sur ce point. En effet, les maitres médiévaux ayant rapporté l’usage qu’une femme Nida ne touche pas le Sefer Torah se sont montré particulièrement strict. D’ailleurs pour certains d’entre eux la coutume était que la femme nida ne pénètre même pas à la synagogue. Mais les décisionnaires ont bien vite relativisé cette coutume. D’abord, ils l’ont restreintes aux seules personnes qui ont cet usage. D’autres part, ils ont autorisé la chose en maintes circonstances, comme pour les offices des Yamims Noraims etc.
Par conséquent, il semble que si c’est l’usage de cette communauté et que les femmes respectent la sainteté du lieu, on peut les laisser embrasser le Sefer Torah. |