Réponse :
Il arrive souvent que les enfants jouent dans la cour attenante à l’immeuble ou devant l’immeuble véritablement. Parfois, cela dérange les résidents et la question est de savoir dans quelle mesure ils peuvent s’y opposer.
De la Guémara Baba Batra (23a) et du Choul’han Aroukh (155,39) il ressort que celui qui, du fait d’une activité attire les corbeaux, et que ces corbeaux, par définition émettent sons et bruits, peut être empêché par une personne que cela dérange, parce qu’elle particulièrement sensible au bruit, par exemple. Et l’on ne peut invoquer le concept de ‘hazaka, c’est-à-dire d’avoir installé un état de fait maintenant incontestable, parce que l’on peut comparer ce dérangement à celui de la fumée ou de l’odeur des toilettes, pour lesquelles il n’y a justement pas de ‘hazaka.
Certes, même dans la fumée, la protestation est encadrée par des limites. Ainsi, ce n’est que si cette fumée est constamment présente que l’on peut s’y opposer même a posteriori, une fois la personne dérangeante déjà installée ! mais si la fumée est occasionnelle, alors on ne pourra, selon le Choul’han Aroukh ne s’y opposer qu’a priori. Et selon le Rama, on ne pourra s’y opposer du tout.
Le Chout Bné Banim (Henkin) pose une question intéressante : qu’en sera-t-il, selon le Rama, dans le cas où chaque famille ne dérange pas constamment mais à des heures très limitées, mais qu’en tenant compte des jeux de court de l’ensemble des enfants des familles, le dérangement est finalement quasi-constant ?
Ce qui est certains, quoi qu’il en soit, pour le Rav Henkin, est que si les jeux ne couvrent qu’une tranche de temps limitée comme une heure ou deux, cela peut être comparé à la fumée non constante et les familles peuvent dire souhaiter se conformer à l’avis du Rama qui leur est avantageux !
Continuons avec une précision de taille : il y a une différence dans la Halakha selon la nature du vent qui amène la fumée. Si la fumée provoquée par le voisin se propage grâce à des vents fréquents, alors effectivement il y a protestation possible puisque le dérangement est continu. Mais lorsque la fumée n’est susceptible de se propager au point de déranger le voisin uniquement si le vent est un vent peu fréquent de part sa force, alors il n’y a plus de protestation possible puisque le risque de dérangement est lointain.
Ceci dit, lorsque l’on parle d’un vent peu fréquent (Roua’h Chééna Métsouya) deux possibilités s’offrent à nous pour le caractériser. Il peut s’agir d’un vent pas fréquent mais tout de même envisageable de temps à autre. Ou alors, peut être veut ton parler d’un vent à ce point rare qu’il ne souffle que très rarement, peut-être même une fois tous les quelques ans ! Si l’on opte pour cette seconde possibilité, alors ce n’est que lorsque le risque est celui d’un vent très rare que je ne peux pas protester.
Mais le Rav Henkin, fort de pas mal de preuves, montre que l’expression « Roua’h Chééna Métsouya » est quasiment toujours synonyme de vent rare mais tout de même fréquent.
Du coup, si l’on applique ce principe aux jeux devant l’immeuble, il en ressort qu’il n’est possible de protester que si le dérangement est continu, c’est-à-dire quotidien et durant de nombreuses heures. Mais si c’est une fois par mois ou moins que cela, on ne peut s’y opposer. (Le Rav Henkin n’est pas certain de la fréquence à partir de laquelle on dira qu’il s’agit d’un dérangement pas fréquent, il hésite entre moins d’une fois par semaine et moins d’une fois par mois.
Autre élément qu’avance le Rav Henkin : la personne spécialement dérangée par les jeux (on ne parle pas d’une situation ou le dérangement est patent et collectif, mais uniquement le cas où une personne ou deux sont dérangés par ces jeux) doit prouver qu’elle est effectivement davantage sensible au bruit que les autres. L’affirmer ne suffit pas, ce serait trop facile. Il arrive souvent qu’une personne essaye d’interrompre un jeu en invoquant un dérangement alors qu’en réalité il est frustré que des voisins utilisent des parties communes ou qu’il fait preuve de méfiance envers certains types de personnes différentes que lui etc.
Mais finalement, le Rav Henkin avance un argument supplémentaire qui vient donner encore raison aux familles dont les enfants jouent : dans la mesure où il s’agit de petits enfants qui ne peuvent jouer dans la rue ou aller au parc tout seul, et dans la mesure où les jeux d’extérieur, à cet âge, sont vitaux pour eux, il n’est pas possible de les empêcher de jouer. Ce serait même créer un dommage que de le faire.
En effet, même lorsque les Sages ont donné raison à ceux qui sont dérangés, c’est dans la mesure où ce n’est pas au dépend d’une activité vitale. Par exemple, personne ne peut empêcher une personne de cuire son pain quotidien au four sous prétexte que cela engendre de la fumée. Sinon quoi, on ne pourrait plus manger de pain. En tout cas à une époque où chacun cuisait son pain et dans les fours d’antan !
Conclusion : il faut s’adresser à un Rav compétant pour évaluer la situation. Si les enfants n’ont pas d’autres aires de jeux et qu’ils ne dérangent pas pendant une grande partie de la journée, il est fort probable que ce soit autorisé. Le mieux étant d’arriver à un compromis qui fasse plaisir à tous. |