Réponse :
On peut lire dans la Massekhet Brakhot (page 36b) que Rabbi Méir s’appuyait sur le Passouk qui ordonne la loi de la Orla, qui curieusement insiste sur le caractère fruitier de l’arbre, pour inclure, dans la liste des arbres soumis à la Orla, l’arbre dont le bois et les fruits sont les deux comestibles. Or, quel est cet arbre ? Le Pilpéline. Le Pilpeline est identifié par les commentateurs et les chercheurs non pas comme les poivrons ou comme ce qui ressemble aux poivrons, mais comme un arbre qui donnerait un fruit piquant, duquel on obtiendrait après préparation, ce que l’on appelle généralement chez nous le poivre noir, et qui accompagne différents plats.
Le Pri ‘Hadach s’étonne du fait que le Rambam, dont les ouvrages sont complets et précis, ne rapporte pas, lui comme d’ailleurs les grands décisionnaires de son époque, le Pilpéline comme étant soumis aux lois de la Orla ?
Il propose de dire que le Rambam n’a pas retenu l’avis de Rabbi Méir, mais celui de ses opposants sur point, les Rabanane.
C’est l’avis aussi du Maharam Ben ‘Haviv. Il est du même avis que le Pri ‘Hadach. A la différence du Maharachdam (Yoré Déa chapitre 81b) qui a écrit le contraire.
Cela aura une implication directe concernant la Brakha à réciter. Le Aroukh Laner le dira : selon le Rif et le Rambam le Pilpéline aura pour Brakha celle de Boré Péri Hahadama, car ils ne sont pas considérés comme des fruits de l’arbre mais davantage comme des fruits de la terre. L’arbre du Pilpéline, en effet, possède des caractéristiques qui l’éloigne de l’arbre classique au sens où les ‘hakhamims l’entendent. On parle du Pilpéline, comme le souligne la Guémara, qui est frai et humide, et non ce qu’on a obtenu après l’avoir séché.
Il ne faut pas oublier ce qu’écrit le Radbaz (partie 3, chapitre 531), à savoir que la raison pour laquelle tous les grands maitres ont toujours autorisé de manger l’aubergine, et n’ont pas craint l’interdit de la Orla, parce qu’il y pousse un fruit, l’aubergine, l’année même où on plante la graine, ce qui n’est pas vraiment ma caractéristique de l’arbre. Donc l’aubergine n’est pas soumise à la Orla, car ce n’est pas un « arbre », et on peut le consommer sans crainte.
D’autres maitres ont même retrouvé cette halakha dans la Tossefta, à savoir qu’un arbre dont le fruit sort la même année que la plantation n’est pas soumis à la Orla, car ce n’est pas un arbre mais un légume.
Le livre Kol Eliahou (partie 2) écrit les mêmes choses au nom du Rav Garmizon, et Rabbi Yossef ‘Hayim de Bagdad lui aussi, dans son Rav Péalim (chapitre 30) renforcera ce raisonnement, qu’il appuiera lui aussi de la Tossefta.
On comprendra donc aisément ce qu’écrit le Rav Ouziel dans son Michpété Ouziel (Yoré Déa Taniana, chapitre 80), à savoir que les petits piments très piquants ainsi que les aubergines, sont autorisés à a consommation (explication : on ne considère pas ces produits comme étant interdit du fait qu’on ne les consomme que durant les premiers mois depuis la plantation, or durant cette période l’arbre est Orla. Ce qui interdirait à jamais la consommation d’aubergine, par exemple. Car on ne trouvera jamais une aubergine étant restée sur l’arbre suffisamment de temps pour échapper aux lois de la Orla. Tout cela, on ne le dit pas, puisque les aubergines ont toujours été consommées, même par les plus grands).
Conclusion : pour différentes raisons, principalement parce que le légume sort la même année que lorsqu’il a été planté, les aubergines, mais aussi ce qui s’y apparente, ne sont pas soumis aux lois de la Orla et la bénédiction sur la consommation est Boré péri Hahadama. |