Question :
Peut-on sortir du pays d’Israel pour aller péleriner sur des tombes de Tsadikims en ‘Houst Laarets ?
Réponse :
Cette question a déjà été traitée dans quelques ouvrages. Voir le Divré Benayahou tome 31 chap. 57. Ci-dessous, un résumé de la réponse.
Rambam (Mélakhim 5,9) énonce l’interdit de sortir du pays d’Israel, puis expose les situations où la chose est permise : pour étudier la Torah, pour épouser une femme, pour le commerce, etc.
Le Rambam précise également que cela est permis à la condition de revenir ensuite au pays d’Israel. Mais il est interdit de s’installer définitivement à l’étranger, sauf pour des raisons de famine ou de crise économique très aggravée. Et même le cas échéant, le Rambam précise que ce n’est pas le comportement le plus pieux.
Le Rambam expose aussi l’interdit, plus formel, de partir s’installer en Egypte, mais nous ne nous attarderont pas sur ce cas dans le cadre de cette réponse.
Concernant la nature de l’interdit de sortir du pays d’Israel, le Sdé ‘Hemed prouve de plusieurs Richonims qu’il s’agit d’une interdiction rabbinique. Sauf s’il s’agit de retourner en Egypte, où il s’agit d’une interdiction purement biblique.
Concernant le pèlerinage des tombes de Tsadikims, il faut d’abord déterminer s’il s’agit véritablement d’une Mitsva. En fait, un bref aperçu de ce que disent les maitres à ce sujet ne laissent pas planer de doute quant au caractère « mitsvatique » de se rendre sur les tombes des Justes.
Beaucoup amènent l’exemple de Kalev Ben Yéfouné qui, avant de rejoindre les explorateurs envoyés par Moché pour inspecter les pays d’Israel, a fait une escale sur les tombes des Patriarches à ‘Hevron. Il a prié pour ne pas être influencé par le mauvais dessein des autres explorateurs. Cf. à ce sujet Yé’havé Daat (tome 5 chap. 57)
Autre point : le Sdé ‘Hémed (Maarekhet Erets Israel Siman 1) rapporte des autorités qui, bien qu’ils considèrent le fait de se rendre sur des tombes de Tsadikims comme une sorte de Mitsva, précisent néanmoins que le Talmid ‘Hakham qui souhaite agir ainsi doit réfléchir si le temps et les efforts consacrés à cette entreprise ne se font pas au prix de l’étude de la Torah. Car, comme on le sait, rien ne rivalise avec l’étude de la Torah du Talmid ‘Hakham. Et si ce voyage se fait au dépend d’une étude fructueuse ou au prix d’élèves qui n’auront plus, pendant un certain temps, le maitre qui leur enseigne la Torah régulièrement, il n’est pas évident que ce pèlerinage soit une Mitsva !
Il faut préciser le point de vue du Rav Avraham Ist’hak Hacohen Kook dans son Michpat Cohen (147), qui émet des doutes quant à considérer la sortie du pays d’Israel pour visiter les tombes de Tsadikims comme une Mitsva. En effet, argumente-t-il, Rabbi Yossi dans la Guémara interdit de sortir du pays pour aller étudier la Torah à l’étranger car on peut étudier également en Erets Israel. Certes, la halakha n’a pas suivi Rabbi Yossi sur ce point, pour la simple raison que ce n’est pas de tout Rav que l’on mérite d’apprendre la Torah. Il existe de nombreux rabbanims, mais il arrive que l’on soit attaché à un Rav en particulier parce que c’est grâce à lui qu’on voit son étude fructifier. Si ce Rav habite l’étranger, on aura le droit d’aller apprendre chez lui. Mais peut-on en dire autant des tombes des justes ? Peut t on affirmer que prier sur la tombe d’un Tsadik en particulier, à l’étranger s’avère plus efficace que prier sur la tombe d’un Tsadik enterré en Israel ? Les Patriarches enterrés à ‘Hevron ne suffisent-ils pas à assouvir notre besoin de se recueillir et de prier ? Le Rav Kook comprend certes que l’on puisse sentir une affinité avec tel ou tel Tsadik, ce qui justifierait que l’on souhaite prier sur sa tombe en particulier. Mais au final, il se montre assez sceptique sur ce type de démarche.
L’avis du Rav Kook toutefois n’a pas vraiment été suivi par d’autres décisionnaires plus tardifs. Apparemment ils considèrent que la visite sur les tombes des Tsadikims, quels qu’ils soient et où qu’ils soient peut être bénéfique, c’est une sorte de prière adressée à Hachem par le mérite du Tsadik que l’on vient visiter.
Il semble également que selon la conception du Rav Vozner dans Chout Chévet Halévy (tome 5) selon laquelle il est permis de sortir d’Erets Israel y compris pour une « petite nécessité », il sera permis de sortir du pays pour se rendre sur la tombe des Tsadikims. En effet, il autorise même à sortir pour voir les merveilles de la nature et reprendre des forces (même s’il n’autorise pas à sortir du pays pour une simple excursion sans intérêt particulier). Assurément la visite de tombes de Tsadikims est au moins de cet ordre. (Bien que l’on pourrait considérer que voir du paysage est une nécessité pour le bien être de certaines personnes, alors que péleriner sur une tombe peut se faire dans le pays d’Israel et il n’y a pas de véritable enjeu vital à le faire ailleurs.). Le Rav Mordekhay Eliahou rappelait souvent que le pays d’Israel ne manque pas de tombaux de Tsadikims et qu’il faut donc réfléchir avant d’aller chercher « ailleurs ». |