Question :
Peut ton faire la Birkat Hailanot le Chabbat comme cette année où Roch ‘Hodech Nissan tombe un Chabbat. Et ce, car tous les fidèles ne viennent pas à la synagogue en semaine mais uniquement le Chabbat ?
Réponse :
Dans le Kaf Ha’hayim (Sofer, chap. 226,4) il est écrit qu’à Chabbat et Yom Tov on ne dit pas la Birkat Hailanot de peur de déplacer les arbres ou de les saisir pour les sentir, ou même de les arracher. Il ajoute que selon les kabbalistes cette Brakha fait le tri des étincelles de sainteté pour les extraire des végétaux et il y a à craindre l’interdiction de trier le Chabbat et Yom Tov.
Le Ben Ich ‘Hay est également ce cet avis, cf Yédé ‘Hayim. Voir aussi le Or Létsion tome 3 (6,5). Certes, il s’interroge sur le tri en question : chaque jour, y compris chabbat, nous trions des étincelles, et on n’enfreint pas l’interdiction de trier. La raison est évoquée dans l’un des ouvrages du Ben Ich ‘Hay lui-même : il s’agit, dans les tris quotidiens d’étincelles, de tris où l’on trie le « bon du bon » car nous sommes dans le monde de la Atsilout, de l’émanation. Toutefois, les kabalistes maintiennent cet usage.
Le Betstel Ha’hokhma (tome 6, chap. 37) dit avoir de grandes difficultés à comprendre les propos du Kaf Ha’hayim. En effet, en ouvrant l’ouvrage cité par celui-ci, le Moed Lekol ‘Hay, on s’aperçoit que l’usage était différent selon les villes en Turquie. Les villes où il était à craindre que les gens s’éloignent du périmètre autorisé le chabbat, on ne faisait pas la Birkat Hailanot le Chabbat. Mais dans les villes où on ne craignait pas ce problème, on le faisait.
De plus, le divré Benayahou rappelle ce qui est dit dans le traité de Souka (37b) à savoir que le myrte, lorsqu’il est encore attaché à la terre, peut être sentie. Et ce, car il est fait pour cela précisément. Il n’y a donc pas à craindre qu’on en vienne à l’arracher.
On peut donc considérer que celui qui s’approche d’un arbre dont les fruits ne sont qu’à l’état de bourgeonnement n’en viendra pas à arracher ceux-ci, mais se contentera de dire la bénédiction.
Certes, selon la version des Guéonims dans la Massekhet Souka il est interdit de sentir le Hadass. Mais cela n’est pas comparable à notre cas puisque la raison de cette interdiction selon les Richonims est que le myrte est fait pour être senti et qu’il y a donc un risque que l’on arrache la plante pour la sentir. Ce risque n’existe pas pour l’arbre fruitier en l’état de bourgeonnement. Arracher le fruit ne ferait que gâcher celui-ci, puisqu’il ne pourra plus pousser davantage.
Autre argument pour permettre : selon des décisionnaires comme le Cheyaré Kénesset Haguédola, celui qui entre dans un jardin et sent de bonnes odeurs peut faire la bénédiction. En effet, lorsqu’on a interdit de sentir le myrte ou le Etrog, c’est parce qu’il faut s’approcher d’eux pour pouvoir les sentir. Mais si l’odeur vient d’elle-même sans que l’on ait besoin de s’approcher tout près des plantes, cela est permis. Certes le Pri Méguadim interdit une telle chose, mais pour une raison autre : on ne peut pas, selon lui, faire une bénédiction sur un fruit alors que les Sages ont interdit de profiter de leur odeur lorsqu’ils sont encore attachés à la terre. Or, il semble que celui qui vient bénir Hachem pour le bienfait lié à l’arbre, sa bénédiction sera la bienvenue.
La conclusion du Rav Divré Benayahou est qu’a priori on dira la bénédiction sur les arbres en semaine pour respecter l’avis des kabbalistes. Mais si on risque de dépasser le mois de Nissan sans avoir dit la bénédiction on pourra la dire le Chabbat.
Ceux qui ont un doute consulteront leur Rav et celui-ci estimera si la bénédiction doit être repoussée en semaine ou s’il est plus pertinent de la faire le Chabbat de peur de ne pas la faire du tout. |