Question :
A-t-on le droit de faire le Kidouch sur du vin gazeux, comme l’on en trouve aujourd’hui dans le commerce, en Israel ?
Réponse :
La Guémara dans Baba Batra (97a) nous dit qu’on ne fait le Kidouch que sur un vin qui serait apte à être utilisé pour le nissoukh (libation) sur l’autel du Temple.
Selon la compréhension des Richonims, cela n’implique pas que tous les vins interdits pour les libations soient systématiquement interdits pour le Kidouch. Ce que la Guémara vient exclure, ce sont les vins interdits à cause de leur mauvaise qualité. Par exemple le vin ayant été resté découvert tel que son gout en est altéré. Ou encore du vin qui a une mauvaise odeur. Voir Choul’han Aroukh chap. 272. Mais le vin cuit, lui, bien que n’étant pas utilisé pour l’autel, est néanmoins cacher pour le Kidouch. En effet, ce vin n’est pas exclu de l’autel en vertu de son caractère médiocre mais parce que sa nature a été modifié.
Dans le Téchouvot Véhanhaguot (tome 6, 74), la question du vin gazeux est traitée. L’auteur, le Rav Moché Shtérenboukh, étant l’un des dirigeants de la Eida Ha’haredite, a été consulté pour savoir si un tel vin pouvait bénéficier d’un tampon de cacherout approuvé par le Rav.
En pratique, le Rav craint que ce vin soit à considérer comme un mauvais vin. Certes, nombreux sont ceux qui apprécient un tel vin (sinon il ne serait pas commercialisé !) mais il y a aussi de nombreuses personnes qui considèrent un tel vin comme un vin de mauvaise qualité.
Autre argument : le gaz est un ajout au vin. Certes, on objectera que les Sages ont permis le vin auquel a été ajouté une certaine quantité de miel ou de sucre, mais le Rav établit une différence entre le gaz et ces éléments : le vin ou le sucre bonifient le vin lui-même. Alors que le gaz est un élément extérieur qui donne au vin un caractère gazeux mais il ne bonifie pas le vin lui-même.
Quant à dire que les bulles de gaz ne sont pas à considérer comme un véritable ajout au vin, le Rav n’est pas convaincu de la pertinence de cet argument. Même si le gaz lui-même est obtenu par le vin, il ne s’agit pas du vin lui-même auquel ce gaz est mêlé. Il faut donc le considérer comme un apport extérieur et non comme s’identifiant au vin lui-même.
Certes, on pourrait réfléchir à chacun des arguments rapportés plus haut. Par exemple, le fait que certaines personnes n’apprécient pas le vin gazeux ne provient pas forcément du caractère mauvais de ce vin. En général ces gens n’apprécient pas ce type de vin tout simplement parce qu’ils le considèrent plutôt comme une boisson pour jeunes qu’un vin « sérieux », c’est-à-dire un vin où le gout est raffiné. Mais il est difficile de comparer cela avec du vin qui a une mauvaise odeur…
L’argument de la différence entre le gaz et le miel aussi pourrait être renversé en avançant le contraire, à savoir que le gaz est moins problématique que le miel puisqu’il ne modifie pas le gout du vin lui-même. Mais même cela est une simple possibilité.
Finalement, comme le dit lui-même le Rav à la fin de sa réponse, c’est plutôt par crainte de l’innovation en matière de halakha qu’il se montre sceptique pour cachériser un tel vin pour le Kidouch. En effet, en l’absence de source explicite pour autoriser ou interdire le vin gazeux, le décisionnaire doit se montrer prudent avant de donner sa décision.
Cette prudence dans le doute était également, dans le cas précis du vin gazeux, celle du Rav Bloy, ancien Dayan à la Eida Ha’haredite.
En conclusion, il est difficile d’interdire un tel vin. Mais il n’est pas évident de l’autoriser. En fait, en l’absence de preuve tangente, chacun s’en remettra au jugement de son Rav. Beaucoup autorisent. |