Question :
Peut- on porter un enfant dans la rue le Chabbat en s’arrêtant à chaque fois à moins de quatre Amots ?
Réponse :
Nous lisons dans Erouvin que selon Rava les Sages n’ont pas interdit de se tenir dans le Rechout Haya’hid, donc le domaine privé, et de boire dans un autre Rechout (domaine), à moins que ce dernier domaine où se trouve l’eau soit un Rechout Harabim, donc une voie publique très fréquentée. La raison en est que s’il ne s’agit pas d’un Rechout Harabim mais simplement d’un Karmélit, donc d’un domaine interdit par les rabbins, interdire de boire serait un décret qui viendrait s’ajouter à un autre décret (celui de ne pas boire de peur d’amener l’eau ou le récipient vers soi) or on ne fait pas de guézéra liguézéra, de décret sur un autre décret.
Cela pourrait avoir une autre implication, comme nous allons le voir. En effet, selon certains décisionnaires, on ne trouve plus véritablement de Réchout Harabim de nos jours. Ils expliquent qu’un Rechout Harabim, pour être considéré comme tel, doit être traversé par au moins 600 000 personnes au courant de la journée, ce qui est assez rare.
Donc, la plupart de nos rues, selon cette opinion, seraient des karmélites où le transport d’objets et l’intrusion ou l’exportation d’objets vers un autre domaine ne relèverait que d’un interdit rabbinique.
Or, dans le traité Chabbat 3a les Sages ont interdit au pauvre se trouvant dans le Rechout Harabim de tendre sa main vers le Rechout Haya’hid pour recevoir un objet d’une personne et inversement. Et ce bien qu’une action faite par deux personnes en même temps ne soit pas interdite selon la Torah. Cela, de peur d’en venir à faire soi-même l’intégralité de la mélakha.
Qu’en sera-t-il s’il ne s’agit pas d’un Rechout Harabim mais d’un Karmélit ? le Avodat Haguershouni (chap. 104) prétend que deux personnes qui effectueraient ensemble une mélakha dans le karmélit n’enfreindraient aucun interdit, même rabbinique, puisque le karmélit est lui-même un domaine dont les interdictions qui en découlent sont rabbiniques.
Du coup il pose une question sur le Choul’han Aroukh. Celui-ci (349 ;5) interdit le déplacement en s’arrêtant tous les moins de 4 amots, même lorsque le domaine est une karmelit. C’est étonnant car il en résulterait une double interdiction dérabanan, et conclue donc que cette halakha mérite approfondissement car elle n’a pas l’air d’être correcte.
Pareil pour le Pri Tévoua (7), il permet de sortir un petit dans la rue car les rues sont karmélit et que l’interdiction de sortir un petit est elle-même une interdiction rabbinique car « le vivant se porte lui-même ».
En revanche, dans le Choul’han Aroukh Harav (352,2) est établie une différence : ce n’est que ce qui n’a pas l’aspect d’une mélakha qu’on autorise, comme celui qui jette du rechout haya’hid au rechout ha’ha’hid en passant par le makom ptour, le lieu d’exemption. Ou celui qui sortirait avant chabbat avec un objet dans la main.
Mais transporter dans le karmélit à moins de 4 amots à chaque fois ou transporter de manière inhabituelle ressemble à la mélakha d’origine.
Cela se base sur le Ran (sur le Rif, Chabat 94) qui affirme que dans sra’h melakha, c’est-à-dire quelque chose proche de la mélakha, où il y a crainte que les gens apprennent à transgresser, on décrète décret sur décret. Et que ce n’est que quand il y a crainte d’nue éventualité de transgression (du type : l’objet risque de tomber de ses mains en pleine rue etc.) qu’on ne décrète pas doublement.
La même différence est établie par le Gra (349, 5 ;11) qui dit qu’ils ont été indulgent dans une guézéra (décret de peur de …) mais pas dans un chvout (interdiction rabbinique du Chabbat).
Cf Binyan Tsion (20) pour qui notre cas (celui de l’enfant) relèvera d’une discussion chez les décisionnaires. Il dit que les gens se sont habitués à cela et que ce sont généralement les femmes qui sont confrontées à ce genre de situation, or elles n’ont pas toujours conscience de la gravité de la chose. Il vaut mieux donc les laisser agir ainsi par ignorance que leur rappeler quelque chose qu’elles risquent de e pas accomplir sciemment. On n’enseignera pas cela publiquement et on se montrera strict pour soi-même, poursuit-il.
Conclusion : il y a lieu de se montrer strict s’il n’y a pas de grande nécessité. Mais on prendra conseil auprès d’un Rav avant de protester.