Question :
peut-on imaginer un cas de figure où le ‘hamin (tshoulent ou dafina) de chabbat sera permis à la consommation pour un individu en vertu du principe d’une annulation dans 1/60e, mais interdit pour un autre individu jusqu’à Motsaé Chabat en tant que « davar cheyech lo matirin » (chose interdite qui sera permise dans un futur et qui par conséquent reste interdite même dans 60 fois son volume) ?
Réponse :
le CA (318, 1) stipule que celui qui a cuit Chabat (ou qui a accompli une autre transgression) de façon volontaire, ne pourra profiter de cet interdit, et ce, à jamais. Quant aux autres qui n’ont pas participé à cette cuisson, cela leur sera interdit jusqu’à Motsaé Chabat précis. Si la cuisson a été involontaire, le plat est interdit à tous durant Chabat mais permis à tous au soir. Le Beth Yossef (YD 102) traite du cas où l’aliment s’est mêlé à d’autres, et statue que l’interdit est annulé. Et ce, bien qu’il sera de toute façon permis à la sortie du Chabat. Car c’est à comparer à la Térouma, comme nous allons le voir. Mais le Maguen Avraham s’étonne de la comparaison : la Térouma ne sera permise à personne dans le futur : elle est toujours permise au Cohen et toujours interdite aux autres juifs, si bien qu’elle ne dépend pas d’un temps ! Alors que pour la cuisson le Chabath, étant donné que cela sera permis aux autres Motsaé Chabat, on peut considérer que pour celui qui a accompli l’acte de cuisson la chose sera également interdite dans le présent comme elle l’est pour les autres ! à moins, poursuit le Maguen Avraham, que le Beth Yossef traite d’un cas où le mélange a lieu à Motsaé Chabat même, auquel cas nous sommes dans un cas similaire à celui de la Térouma où c’est autorisé pour l’un et interdit pour l’autre. D’autre part, il considère que celui pour qui a été effectuée la cuisson obéit à la même règle que celui qui a réalisé la cuisson. En effet la raison de l’interdit est une amende que les sages ont donnée pour dissuader les petits malins.
Toutefois cela n’est pas certain car il y a une différence avec celui qui risque de dire au non juif d’annuler sciemment l’interdit, chose que l’on n’a pas à craindre ici où le cuisinier est un juif, qui, généralement, ne réalise pas une transgression au profit de quelqu’un d’autre. Voilà pour les paroles du Maguen Avraham.
Le Michna beroura explique que s’il y a eu mélange d’un interdit réalisé volontairement, selon le Maguen Avraham, il n’y a pas d’annulation et il sera interdit d’en profiter le Chabat car se sera permis à la sortie du Chabat pour les autres, c’est donc davar cheyech lo matirine. Mais le ‘Havat Daat n’est pas d’accord et considère que pour le cuisinier lui-même ce n’est pas davar cheyech lo matirin et le plat s’annule ! (mais pas pour les autres). Le Michna beroura semble opter pour ce deuxième avis.
D’autre part, il faut noter que selon le Gra on suivra l’avis de Tossefots qui tranchent comme Rabbi Meir, qui interdit le plat à tous pendant Chabat et autorise à tous à la sortie du Chabat, ceci lorsque la cuisson était volontaire. Lorsqu’elle ne l’était pas on autorise à tous tout de suite. Lorsque la cuisson était involontaire on se reposera donc sur cette opinion en cas de grande nécessité (Michna beroura).
Le Kaf Hah’ayim (15) rapporte l’opinion du Rama (YD, 102) à savoir qu’en cas de mélange il y a annulation et que l’on ne considère pas qu’il s’agit d’un cas de davar cheyech lo matirin. Car, comme dit, pour le cuisinier lui-même l’interdit est perpétuel, donc il obéit aux lois d’annulation. Il rapporte aussi au nom du Kreti Oupleti et du ‘Havat Da’at que cette permission ne concerne pas les personnes extérieures puisque pour elles, l’interdit est limité dans le temps. le Maguen Avraham n’est pas d’accord avec cette autorisation, comme expliqué plus haut, à moins que l’annulation soit faite Motsaé Chabat. D’autres rejoignent cet avis.
Le Rav Péalim (1 17) interdit comme le Maguen Avraham mais pour une autre raison. Cela ressort aussi de son livre Ben Ich Hay (Bo, 2). Selon la Rav Péalim, en cas d’annulation le Chabat, si certains pensent que le plat est interdit au cuisinier à jamais, en cas de cuisson volontaire, pour le Rav Péalim , en revanche, le plat n’est interdit au cuisinier uniquement selon les même critères que pour les autres.
Différence d’ailleurs accepté par le Kaf Hah’ayim, car de toute les manières le Rama autorise le mélange y compris pour le cuisinier et y compris pendant Chabat. Il n’y a donc pas lieu d’être davantage strict en cas de mélange pour le cuisinier que pour les autres. On autorisera donc le plat Motsaé Chabat.
Conclusion : un aliment cuit Chabat et mélangé dans un aliment permis devient autorisé à Motsaé Chabat.