Question : Celui qui invite des pauvres au repas de Pourim s’est-il acquitté également de la Mitsva de faire des dons aux pauvres (Matanot Laévionims) ?
Réponse : Il est écrit dans la Guémara de Méguila page 7b qu’Abayé fils de Avin et Rabbi ‘Hanina fils de Avin échangeaient mutuellement leurs repas de Pourim. Et Rachi d’expliquer qu’ils s’invitaient chaque année à tour de rôle. Le Ran explique que chacun ne possédait pas assez de nourriture pour à la fois en envoyer à son ami et à la fois en garder pour soi. C’est la raison pour laquelle ils avaient trouvé ce procédé ingénieux, à savoir l’un invitait l’autre à tour de rôle. Le Beth Yossef au chap. 695 tranche que s’il a échangé son repas avec son ami, il est quitte. Et d’amener comme source cette Guémara de Méguila avec l’explication du Ran et de Rachi. Mais il pose une question sur ce dernier : comment accomplissaient ils la Mitsva de Michloa’h Manot ?. Et, poursuit-il, s’ils s’envoyaient effectivement des Michloa’h Manot, quelle est alors l’enseignement ?
Le Darké Moché, lui, peine à comprendre la question du Beth Yossef : si le problème qui dérange le Beth Yossef est qu’il n’y a pas eu d’envoi à proprement parler de mets mais simplement un repas commun, est-ce vraiment une difficulté ? Peut-être Rachi pense t-il que l’envoi n’est pas rédhibitoire et qu’un repas commun peu faire office de Michloah Manot ! Et si la question du Beth Yossef est que lorsque l’un mangeait chez l’autre il n’accomplissait pas la Mitsva de Michloa’h Manot cette année-là, il en ressort alors que les propos de Rachi contiennent un grand ‘Hidouch, une grande nouveauté. Or le Beth Yossef s’étonne de l’évidence des propos de Rachi !
Le Choul’han Aroukh (chap. 695, § 4) stipule finalement : « on doit envoyer à son ami deux mets carnés ou deux types de nourriture comme il est dit : et un envoi de mets un homme à son ami (Ester 9). C’est-à-dire deux mets à une personne. Et quiconque multiplie les envois à ses amis est digne de louange. Et s’il n’a pas de quoi (accomplir la Mitsva) il pourra procéder à un échange avec son ami : l’un envoie à l’autre sa Séouda, et réciproquement, pour accomplir : et un envoi de mets un homme à son ami. ». Le Michna Beroura écrit que celui qui envoie le met est quitte de la Mitsva bien qu’il aille ensuite manger avec son ami.
De plus, le Choul’han Aroukh écrit (chap. 694§1) « chacun doit donner au minimum deux dons à deux pauvres ».
Le Chout Torah Lichma (chap. 191) précise que concernant les dons aux pauvres également, si deux pauvres se donnent quelque chose mutuellement ils accomplissent leur devoir. Et bien qu’il ne doute pas de cette possibilité, il prouve son bien dire par un texte du Talmoud Yérouchalmi qui stipule que deux pauvres ayant reçu un champ pour y travailler (et recevoir une partie de la production), chacun prélève le Maasser ‘Ani de sa part et le donne à son collègue.
Le Michna Beroura précise que s’il a échangé sa Séouda avec son ami il est quitte et que par conséquent le pauvre qui reçoit la charité devra donner deux dons à deux pauvres qui lui rendront sous forme de dons aux pauvres également.
Le Kaf Ha’hayim aussi permet l’échange de Matanot Laévionims comme pour les Michloa’h Manot. Il rapporte cela aux noms de nombreux maitres tel que le Ben Ich ‘Hay ou le Maté Yéhouda etc.
D’autant plus que même si pour les Michloa’h Manot certains ont exigé un « envoi », ce n’est pas le cas pour les dons aux pauvres où il s’agit juste qu’ils obtiennent de l’argent ou ce dont ils ont besoin.
Le Maguen Avraham rappelle qu’il apparait que celui qui mange chez son ami n’a pas besoin de lui donner les Michloa’h Manot, comme il en ressort de Rachi, mais il recommande de se montrer strict vu que la chose ne lui apparait pas évidente. Le Kaf Ha’hayim recommande une procédure pour celui qui veut se rendre quitte des Michloa’h Manot en invitant son ami : qu’il saisisse le pain et le plat ou alors deux autres aliments et qu’il lui dise : voici pour toi deux Manots en tant que Mitsva de Michloa’h Manot tel qu’instauré par Mordekhay et Ester etc.
« הרי לך שתי מנות אלו במצות משלוח מנות איש לרעהו שתיקנו מרדכי ואסתר לתת ביום זה לתקן את שורש מצוה זו במקום עליון, ויהי נועם וכו' »
Donc, avant de servir les plats depuis la cuisine il servira dans une assiette posée devant le pauvre ce qu’il vient de lui donner oralement (le pauvre n’est pas obligé d’entendre qu’on le lui donne, il est même bon qu’il ne le sache pas.)