Question :
Si je suis assis dans une voiture (à l’arrière) qui roule et que j’aperçois des arbres sur lesquels ont peut faire la Birkat Hailanot, puis-je la faire depuis la voiture ?
Réponse :
Le langage employé par les Sages pour certaines bénédictions, dont la Brakha sur les arbres, est celui de « Haroé »: celui qui voit. Ou, celui qui aperçoit.
Des décisionnaires ont déduit de ces formules, que ces Brakhots sont dites lorsque l’objet de la bénédiction se présente à nous, mais que nous ne sommes pas tenus d’aller chercher l’objet de la bénédiction pour pouvoir la prononcer.
On pourrait en déduire que celui qui aperçoit « par hasard » un arbre en Nissan peut faire la Brakha même s’il n’a pas cherché l’arbre en question.
Donc, si une personne se trouve dans une voiture qui est en train de poursuivre sa route et qu’il aperçoit un arbre, il semble qu’il puisse faire la Brakha sur l’arbre.
On trouve quelque chose de semblable, nous dit l’ouvrage « Cha’ar Ha’ayin », dans la Guémara ‘Avoda Zara (20a) à propos de Rabbi Chim’on Ben Gamliel qui a aperçu une belle femme à l’angle d’une rue et a prononcé une bénédiction.
On peut aussi comparer notre cas à celui de la Brakha sur les orages et les éclaires. Bien qu’ils viennent soudainement, sans que l’on soit préparé, on fait la Brakha.
Le principe est qu’une vision qui n’a pas été anticipée, mais qui est venu à nous, est une « vision » au sens de la Halakha.
Certes, on pourrait rapporter le cas de celui qui mange un fruit qui procure une odeur agréable, mais qui ne cherchait pas l’odeur lorsqu’il a saisi le fruit, où il ne doit pas faire la Brakha sur les bonnes odeurs. N’y a-t-il pas la preuve, donc, que la Brakha doit avoir pour objet un profit recherché et non un profit recueilli « par hasard » ?
Pourtant, la comparaison n’est pas évidente. En effet, la Brakha sur les odeurs est une Brakha instituée à condition que le fruit soit destiné à l’odeur. Donc, celui qui ne vient que consommer un fruit, n’a pas à faire la Brakha sur son odeur. C’est une question de « destinée » du fruit. Ce qui n’est pas le cas dans la Birkat Hailanot. Cette Brakha est une Brakha qui vient louer Hachem pour ses créations, et la Sages ont décidé que tout arbre ayant les critères requis recèle en lui ce potentiel de bénédiction.
Autre cas pouvant servir de comparatif : le Rav Eliachiv Zatsal a tranché que l’on peut faire la Brakha sur le soleil, la Birkat Ha’hama, lorsque l’on se trouve en avion. Voir Rivévot Efrayim (tome 4, chap. 54). Toutefois, cette comparaison a des limites. En effet, si la question est de savoir si l’on peut faire la Brakha sur une vision non attendue, le cas de la Birkat Ha’hama parait être différent dans la mesure où il ne s’agit pas d’un phénomène apparaissant par surprise mais d’un évènement que l’on attend, un évènement prévisible. Le fait de se trouver dans l’avion ne change donc rien à cet aspect « attendu ».
Toutefois, selon le Téchouvot Véhanhagot (tome 4,56), il apparait qu’il ne faut pas dire la Brakha sur une vision non intentionnée, qui ne procure pas d’émotion.
Pour ma part, il me semble qu’il n’y a pas de contradiction entre les propos du Rav Shterenboukh et les considérations que nous avons présentées. (Contrairement au livre M’aasé ‘Hémed, duquel nous nous sommes inspiré mais qui semble voir ici une opposition).
En fait, il est vrai que concernant la Birkat Hailanot, comme pour d’autres bénédictions dépendantes de la vue, il n’est pas nécessaire que l’évènement soit préparé, attendu, anticipé. Mais il ne faut pas non plus que la vue ait été « capturée » sans préparation aucune. En effet, le moteur de ces Brakhots est l’émotion que la nature nous procure. Parfois, l’émotion est rapide. Comme dans le cas des orages. Où dans le cas de Rabbi Chimon Ben Gamliel qui a aperçu une femme soudainement. Mais parfois, l’émotion doit être préparée. Comme dans le cas de la Birkat Hailanot.
Conclusion :
Il semble donc que si la voiture avance vite et que la vision de l’arbre est complètement bâclée, il vaut mieux ne pas dire la Brakha. Mais si en avançant, il y a suffisamment de temps (même quelques secondes) pour observer l’arbre de manière intentionnée, alors on pourra faire la Brakha.