Question :
Que dit la Halakha lorsque l’on m’a confié un objet à garder et que je ne connaissais pas sa valeur, et qu’il a été volé ou perdu ?
Réponse :
Cette question a été traité de manière très détaillée dans un ouvrage du Rav Cohen Arazi à paraitre prochainement. Voici des extraits concernant votre question.
Halakha lorsque le gardien ignore la valeur du bien ou de l’argent qui lui a été confié
Selon la Torah, lorsqu’un homme réclame à son prochain une certaine somme d’argent et que ce dernier ne reconnaît être redevable que d’une partie de cette somme, il devra prêter serment pour accréditer ses dires et ne sera redevable que de la somme reconnue par les deux parties.
Cas pratique :
Réouven réclame de Chimon le remboursement d’une dette d’un montant de 1000 euros. Chimon rétorque « Mais tu ne m’as jamais prêté 1000 euros, tu ne m’en as prêté que 500! ». La Torah impose dans un tel cas à Chimon de jurer afin de prouver la véracité de ses dires. Il sera alors exempté de payer les 500 euros contestés, tant que Réouven n’aura pas apporté une preuve venant appuyer ses prétentions.
Nos Sages affirment que quiconque se trouve dans l’impossibilité de saisir l’opportunité du serment donné par la Torah, parce qu’il ignore ou qu’il n’est pas certain des arguments qu’il avance, est, par défaut, tenu de payer l’argent réclamé. Le Talmud énonce ce principe dans les termes suivant: « Mitokh Chééno Yakhol Lichava Méchalem », c’est-à-dire : « étant dans l’incapacité de jurer, il payera ».
Cas pratique :
1-Réouven réclame à Chimon le remboursement d’une dette d’un montant de 1000 euros. Chimon lui rétorque « Je ne suis pas certain que tu m’aies prêté une telle somme. Je me souviens ne t’avoir emprunté que 500 euros. Quant aux autres 500 euros que tu réclames, j’ai à leur sujet un véritable doute ». Dans un tel cas, étant donné que Chimon n’admet n’avoir emprunté qu’une partie de la somme qui lui est réclamée, il aurait dû prêter serment pour prouver la véracité de ses propos. Or, il ne peut pas le faire, puisqu’il émet lui-même des doutes concernant le reste de la somme. Il devra donc rembourser les 1000 euros réclamés sans prêter un quelconque serment.
2-Soit le cas d’un gardien non-rémunéré auquel on aurait confié une enveloppe contenant des billets de 100 euros. Le gardien n’a pas compté la somme contenue dans l’enveloppe. Suite à une négligence de sa part, celle-ci est volée. Le propriétaire réclame 2000 euros, somme correspondant, selon lui, au contenu de l’enveloppe. Le gardien répond : « Mais qui peut m’assurer que je te dois une telle somme ? Je n’ignore certes pas que l’enveloppe contenait plusieurs billets de 100 euros, mais j’en ignore totalement le nombre ! »
Dans un tel cas, où le gardien reconnaît devoir une partie de la somme réclamée mais émet un doute sur l’autre partie, il est considéré par la Halakha comme étant dans l’impossibilité de jurer et devant par conséquent payer. Il devra donc payer en totalité la somme réclamée sans que le propriétaire n’ait besoin de jurer.
Soulignons un élément important : il est nécessaire, dans ce dernier cas, que la somme avancée par le propriétaire soit raisonnable. Ainsi, si le propriétaire réclame plusieurs millions d’euros et que le cadre dans lequel s’inscrit ce litige rend cette réclamation ridicule ou peu plausible, le gardien ne sera évidemment pas contraint à payer, bien qu’étant dans l’incapacité de jurer.
Une enveloppe confiée à un gardien est volée suite à une négligence de sa part, alors qu’il il ignore la nature de son contenu. La Halakha est en ce cas la suivante :
– Si le propriétaire affirme que l’enveloppe renfermait une certaine somme d’argent, le gardien pourra, selon certains décisionnaires, prêter serment qu’il ignore quelle était la somme contenue dans cette enveloppe et être exempté de tout paiement. Selon d’autres décisionnaires, le propriétaire devra jurer pour authentifier ses propos et le gardien lui remboursera l’intégralité de la somme réclamée.
Le ‘Hazon Ich précise que cette dernière opinion n’est envisageable que dans le cas où le gardien n’aurait pas vérifié le contenu de l’enveloppe. Cependant dans le cas où le gardien connaissait la nature de ce qui lui avait été confié mais en ignorait la valeur ou le montant, on n’accordera pas une confiance aveugle au propriétaire.
– Si le propriétaire ignore lui-même la nature de ce qui se trouvait dans cette enveloppe, le gardien sera dispensé de tout paiement mais aussi de tout serment portant sur le montant éventuel de la somme d’argent confiée.
– Dans le cas où aussi bien le propriétaire que le gardien ignorent la nature de ce qui a été confié (en imaginant un cas où cette ignorance de la part du propriétaire était excusable ou légitime, au regard des circonstances de la mise en gardiennage), et que suite à une négligence de la part du gardien, cet objet a été volé, quelle sera la Halakha ?
Les décisionnaires stipulent que dans un tel cas, le gardien devra jurer que ce bien ne se trouve plus chez lui, et inclura dans ce serment un passage certifiant qu’il ignorait quelle était la nature de ce qui lui avait été confié. Il sera alors exempté de paiement.
Cas pratique :
Un homme décède subitement. Son fils, après l’enterrement, pénètre dans la maison de feu son père et découvre, bien dissimulés, des paquets soigneusement fermés. Il ne prend pas le temps de les ouvrir, et les confie à un voisin. Suite à une négligence de celui-ci, les paquets sont volés. L’héritier s’exclame : « Il est possible que mon père y avait caché des diamants d’une immense valeur ! ». Le voisin, quant à lui, répond : « Il est tout aussi possible qu’il y cachait du sable, de la drogue etc. ». La Halakha impose au gardien de jurer que ces paquets ne se trouvent plus chez lui, et de jurer par la même occasion qu’il ignore vraiment la nature de leur contenu. Il se verra alors dispensé de tout remboursement. |