Question :
Apprendre les lettres de l’alphabet hébraïque est il une Mitsva ? Est-ce considérer comme étudier la Torah ?
Réponse :
Vous posez une excellente question. Nous allons répondre en utilisant une réponse donnée par le Rav Moché Shternboukh.
On trouvera une réponse à cette question dans le Téchouvot Véhanhagot (tome 4, chapitre 17) du Rav Shterenboukh.
Il y est question d’une personne qui souhaite parfois d’apprendre à son fils les lettres du Alef Beth le matin, avant même que le père n’ait fait les Birkot Hatorah.
La question est donc de savoir si l’apprentissage des lettres du Alef Beth est considérée comme une étude de la Torah, ou uniquement comme un outil servant à l’étude de la Torah.
Au départ, le Rav Sht. entend apporter une preuve de la Guémara de Nédarim 37a. Il y est dit que l’on peut apprendre à un enfant le Mikra, donc les Ecritures, en prenant une rétribution (bien qu’en principe on doive enseigner la Torah gratuitement) car le salaire est attribué à la garde qu’implique l’apprentissage (les enfants, au lieu d’aller faire des bêtises dehors, sont gardés par le maitre) ou encore à la mélodie et aux signes de cantillations. Or, demande le Rav Sht., pourquoi n’a-t-on pas justifié l’octroi d’un salaire à l’apprentissage des lettres de l’alphabet, si l’on considère que ce n’est pas de la Torah à proprement parler ? N’est-ce pas la preuve, justement, que l’alphabet est une constituante de la Torah elle-même, et qu’on ne peut pas prendre de salaire pour son apprentissage aux autres ?
Mais le Rav Sht. repousse rapidement cette preuve, car il est possible que la Guémara traite d’un enfant suffisamment grand pour qu’il ne soit plus question de lui apprendre les lettres de l’alphabet, qu’il connait déjà.
Le Rav apporte donc une autre source, susceptible de constituer une preuve. Le Rama dans les lois propres aux enseignants (chapitre 245) nous dit qu’à un enfant, une fois ses trois années révolues, on doit apprendre les lettres de la Torah. Le Gaon de Vilna apporte, comme source, le Midrach Tan’houma (paracha Kédochim) affirmant que les trois premières années d’un homme, celui-ci n’est pas concerné par les Mitsvots. Or, dit le Rav, on peut en déduire que l’apprentissage de l’alphabet est une étude de la Torah, sans quoi cet apprentissage ne constituerais pas une Mitsva! Si l’alphabet n’était qu’un outil pour pouvoir étudier, comment appeler cela une Mitsva ?
Mise à part les sources évoquées, il y a une certaine logique à considérer l’apprentissage des lettres comme un apprentissage de la Torah. En effet, on sait bien que les lettres de la Torah ne sont pas comme les lettres des autres peuples. Elles contiennent des enseignements, essentiellement ésotériques. Ces enseignements font partie du patrimoine sinaïtique tout comme les autres enseignements plus classiques.
Certes, beaucoup abordent les lettres de la Torah sans trop avoir l’intention d’aborder un enseignement à part entière, mais simplement comme un alphabet permettant l’étude. Cela rappelle un peu les supplications, imprégnés de Divré Torah mais dites davantage comme des prières que comme une étude. C’est pour cela que celui qui ne dit pas les Birkot Hatorah lorsqu’il enseigne les lettres, a sur qui se reposer. Mais ce ne sera qu’en cas de nécessité. Lorsqu’il n’y a pas urgence, on fera bien de dire les Birkot Hatorah.
La réponse du Rav Shterenboukh concerne les Brakhot sur l’étude la Torah. Mais l’on peut en déduire, de façon plus générale, que l’apprentissage des lettres est une Mitsva et fait partie de l’étude de la Torah. Tout au moins, c’est un Hekhcher Mitsva, mais nécessaire à l’étude elle-même.
Conclusion : c’est une Mitsva que d’apprendre et d’enseigner les lettres hébraïques. Soit c’est une Mitsva au sens strict, soit c’est un outil permettant la Mitsva, ce qui lui confère un statut important néanmoins.