Réponse :
Prenons le cas classique où une personne a devant lui un paquet de Matsot, dont certaines sont entières et d’autres en morceaux. Il souhaite retirer du paquet les morceaux pour garder dans le paquet les entières.
Certains autorisent cette action, car le fait que les morceaux ne puissent pas servir pour le Motsi (il faut un Lé’hem Michné, donc deux Matsot entières.) n’en font pas une autre catégorie d’aliment que les Matsot entières. Dans les deux cas il s’agit de Matsot, d’autant plus que ce sont les mêmes Matsots provenant du meme paquet. Il n’ya, celon ces décisionnaires, aucun interdit lié à Borer.
C’est l’avis du Tsits Eliezer (tome 17) ou encore du Rav Eliachiv (bien que dans le Chvout Its’hak il est rapporté au nom du meme Rav Eliachiv qu’il se montre strict sur ce point) et du Rav Karelits (cf. Ayil Méchoulach (chapitre 3).
Certes le Taz, rapporté par le Michna Broura au chapitre 319 du Choul’han Aroukh, est d’avis que même concernant deux aliments qui sont de la même espèce il y bien un interdit de Borer, mais nombreux sont ceux qui ne sont pas d’accord avec lui, sur base du Troumat Hadechen et du Rama qui le suivra.
D’autres interdisent de retirer les Matsot cassées du paquet, au titre de Borer. C’est l’avis du Chémirat Chabat Kéhilkheta (chapitre 3 dans la nouvelle édition, article 30) et du Rav Chlomo Zalman Auerbakh dans Halikhot Chlomo (Pessah’ page 335).
On lie généralement cette discussion avec celle de savoir si le fait de trier deux aliments identiques, mais dont l’un est interdit à la consommation et pas l’autre, tombe sous l’interdit de Borer. L’exemple classique est celui de la graisse interdite collée à la viande. Dans les deux cas il s’agit de viande mais l’une est interdite à la consommation.
(Bien que personnellement, j’aurai tendance à faire une différence entre la Matsa cassée et la graisse interdite. Bien que la Matsa cassée ne peut pas être retenue pour le Lé’hem Michné, elle n’est fondamentalement pas différente de la Matsa complète. Contrairement à la graisse, qui est elle, si j’ose dire, interdite « en soi », et un véritable interdit pèse sur elle-même ! Autre différence : la graisse et la viande sont différents dans leur aspect, et même si les deux sont considérés comme de la viande, il n’empêche que l’œil fait une réelle différence entre les deux. Alors que les Matsot entières et cassées sont les mêmes. Ceci dit, cette différence entre les deux sujets n’a pas l’air d’être pertinente au vu de certains écrits des décisionnaires, puisque ceux-ci ont comparé le cas de la viande et de la graisse avec celui du mélange des fruits Orla avec des fruits qui ne sont pas Orla. Or, dans ce dernier cas, il n’ya pas de différence entre les fruits si ce n’est une différence invisible qui est : l’année de l’arbre qui a donné ces fruits ! Il y aurait encore matière à réfléchir mais ce n’est pas possible dans le cadre de cette réponse, qui se veut relativement brève.)
Il faut souligner que le Taz n’est pas le seul à se montrer strict dans le cas de deux aliments de la même espèce.
Il est donc clair que celui qui se montre strict dans la situation décrite dans la question n’est pas dans l’excès de zèle. Mais celui qui se montre indulgent a sur qui se reposer.
Il est bon de préciser que si pour arriver à prendre une Matsa entière il faut auparavant retirer des morceaux de Matsot alors la chose est permise. Dans ce cas il ne s’agit pas d’un tri mais de la manière raisonnable d’arriver à l’aliment souhaité. |