Réponse :
Cette question a été débattue chez les décisionnaires, il y a donc deux avis. Mais nous allons nous focaliser sur l’avis du Rav Mordekhay Eliahou, tout en rappelant certains décisionnaires ancestraux.
Comme dit, cette question a été traitée, entre autres, par le Rav Mordekhay Eliahou. Nous allons d’abord rapporter son raisonnement.
Le Rambam écrit (lois des Brakhots 10, 2) : « celui qui voit un fruit qui se renouvelle d’année en année, lorsqu’il le voit tout au début, il fait la Brakha de Chéhé’hiyanou. ».
Nous voyons bien qu’à l’origine, la Brakha de Chéhé’hiyanou se faisait en voyant le fruit, et pas spécialement juste avant de le consommer.
Toutefois la coutume aujourd’hui est de prononcer cette Brakha non pas dès que l’on voit le fruit mais lorsqu’on le mange.
Concernant l’ordre des Brakhots, il existe deux usages : certains bénissent Chéhé’hiyanou d’abord, et Boré Péri Hahets ensuite. Leur argument est le suivant : originellement, on devrait réciter Chéhé’hiyanou en voyant le fruit, bien avant de le manger. Certes nous repoussons cette bénédiction jusqu’au moment de la consommation, toutefois il est logique que cette bénédiction précède celle de la consommation ! Ceux qui suivent les décisions du Michna Broura se rangent généralement derrière cette opinion.
Mais l’usage général des communautés Séfarades (cf. Chout Halakhot Kétanot 1,236, Yossef Omets 51, Sdé ‘Hémed Assifat Dinim Maarekhet Brakhots chap. 2 art. 5, Kaf Ha’hayim 225, 25) est de faire la bénédiction du fruit en premier et Chéhé’hiyanou en second. Eux aussi, ont un argument de taille : le principe de « tadir véchééno tadir, tadir kodem » qui donne préséance à ce qui intervient le plus fréquemment. Or, dans le cas qui nous concerne, la Brakha du fruit est plus fréquente que la Brakha de Chéhé’hiyanou, par définition occasionnelle !
Le Rav Mordekhay Eliahou fait une remarque d’ordre générale, inspirée par les nouveaux moyens de stockage en vigueur dans le commerce agricole et permettant la conservation de fruits et légumes pendant une longue période : concernant la Brakha de Chéhé’hiyanou il se trouve qu’aujourd’hui des problèmes difficiles apparaissent : en effet, de nombreux fruits sont stockés dans des réfrigérateurs, il est dès lors mal aisé de distinguer les anciens fruits des nouveaux ! Exemple parmi d’autres : les concombres. Si jadis on disait la Brakha de Chéhé’hiyanou sur les concombres qui était un produit saisonnier, aujourd’hui, où l’on trouve des concombres tout au long de l’année cette bénédiction n’est plus à l’ordre du jour concernant ce produit.
Il en est de même pour les pommes. On trouve des pommes dans le commerce tout au long de l’année et il n’est plus si facile que cela de reconnaitre les anciennes pommes des nouvelles. Autrefois, on savait établir la qualité ancienne ou nouvelle d’une pomme simplement en la goutant. Aujourd’hui, peu de gens pourraient en faire autant : on a perdu ce savoir-faire.
Autres remarques du Rav Eliahou : celui qui mange des figues blanches et a dit Chéhé’hiyanou de réitèrera pas la Brakha s’il consomme par la suite des figues de couleur foncée. Il en sera de même pour celui qui consomme des raisins blancs puis noirs.
Les Séfarades, dit le Rav, ont l’habitude de dire Chéhé’hiyanou y compris sur un légume cuit présent au moment du repas. Les Achkenazim, eux, ont des coutumes variées.
Certains attendent Chabbat pour dire Chéhé’hiyanou. Evidemment, si le fruit risque de se gâter on n’attendra pas Chabbat !
On peut lire dans le Talmud de Jérusalem que (fin chap. 4), rapporté par le Michna Broura (225,19), que celui qui aperçoit un nouveau fruit s’empressera de l’acheter pour réciter la Bénédiction de Chéhé’hiyanou afin de remercier Hakadoch Baroukh Hou pour sa Création. |