Est-ce qu’il m’est permis de demander à un ami d’ouvrir une bouteille le chabbat ?
Réponse :
La question peut être traduite de cette manière : ais je le droit de demander pendant chabbat à un autre juif de faire pour moi ce qui est une melakha pour moi mais pas pour lui.
Tout d’abord, et de manière générale, il apparait que si quelque chose n’est pas autorisé à mes yeux (en se basant sur les décisionnaires qui interdisent bien sûr), il n’ya pas lieu de demander à une autre personne de le faire pour moi, puisque nous sommes là dans lifné iver, c’est-à-dire l’interdit de faire « trébucher » quelqu’un.
Pour répondre à votre question précisément sur le cas de la bouteille, il y a deux problèmes:
Peut-on lui demander de l’ouvrir. Et, d’autre part, s’il l’a ouverte, peut-on en profiter ou pas.
Pour ce qui est d’en profiter, le Igrot Moshé de Rav Moché Feinstein (O.H , 4, 119, 5) écrit qu’il sera autorisé d’en profiter.
Le cas de la bouteille est moins problématique que d’autres problèmes car il s’agit de retirer quelque chose (le bouchon) et non de créer quelque chose de nouveau dont nous aimerions profiter. (Voir ‘Hayei Adam (klal 9) cité par le Biour Halakha (318).)
Le Rav Chlomo Zalman Auerbach (Maor Hashabbat, 1, 18, note 33) souligne que s’il est possible d’ouvrir cette bouteille de manière « barbare » c’est-à-dire en arrachant le bouchon plutôt qu’en l’ouvrant, alors si quelqu’un l’a ouverte (normalement) on ne considère pas que son ouverture nous procure un profit, étant donné que nous aurions pu nous même l’ouvrir de façon inhabituelle.
Le Min’hat Asher du Rav Acher Veiss (1,11, 5), l’un des grands décisionnaires actuels les plus consultés, explique qu’étant donné que pour celui qui ouvre, c’est autorisé, il ne convient peut-être pas de lui appliquer la loi du travail réalisé le chabbat de manière intentionnelle. En fait , il serait plutôt comparable au cas de Chogueg, c’est-à-dire celui qui réalise un travail interdit par oubli ou inadvertance. Mais il faut lire sa téchouva dans le texte pour bien comprendre car a priori ce raisonnement n’est pas évident.
Il ne faut pas perdre de vue ce que rappellent certains poskims à savoir que l’interdit de profiter d’un ouvrage effectué le chabbat n’est pas un interdit classique mais un knass, c’est à die une sorte de sanction que l’on a imposé pour décourager ceux qui se montrent négligent à l’égard des lois du chabbat.
En fait, sur le fait même d’ouvrir une bouteille le chabbat, il ya débat. Pour ceux qui interdisent, il s’agit d’une vrai mélakha. Mais cela ne veut pas dire que celui qui s’interdit d’ouvrir une bouteille le fait parce que c’est à son sens une vrai mélakha. Il est posssible que quelqu’un s’interdit d’ouvrir une bouteille parce qu’il pense qu’il serait certes permis de se reposer sur ceux qui autorisent mais qu’il préfère respecter aussi l’avis de ceux qui interdisent. A ce moment là, lorsqu’il demandera à autrui d’ouvrir la bouteille pour lui, ce ne sera pas comme une demande de transgression mais plutôt comme une faveur !
Donc si l’on demande si il est permis de demander à quelqu’un qui ouvre les bouteilles de les ouvrir pour nous, il semble que la réponse est la suivante :
Celui qui considère qu’il est réellement interdit d’ouvrir les bouteilles, ne pourra pas demander à un autre juif de le faire, car pourquoi demander à un autre juif de faire ce que nous considérons comme interdit.
Celui qui considère que l’interdit d’ouvrir les bouteilles est une ‘houmra, lui, pourra demander à autrui de lui ouvrir sa bouteille. Puisqu’il ne demande à personne de transgresser quoi que ce soit.
On peut trouver des développements sur ce sujet, entre autres, dans le Shout Ktav Sofer (66), Ma’hzik Brakha (511) et Min’hat Shlomo (2,35, 17).
Le Chout Min’hat Asher (1,11, 4) émet des doutes sur les propos du Rav Chlomo Zalman Auerbakh qu’il dit avoir du mal à comprendre. En tout cas, le ‘Hida et le Ktav Sofer écrivaient déjà une idée similaire. |